© Brigitte Enguérand, coll.CF

ƒƒƒ article d’Isabelle Blanchard

Pauline Bureau écrit une pièce à partir du « procès de Bobigny » et notamment une partie de la plaidoirie de Gisèle Halimi, dont les répercussions ont contribué à l’adoption en 1975 de la loi Veil, et également à partir d’entretiens avec Marie-Claire Chevalier devenue adulte. C’est un travail documentaire didactique totalement assumé qui revient sur un pan de notre Histoire proche.

La pièce se déroule en deux actes, tout d’abord la vie personnelle de Marie-Claire Chevalier, en famille avec sa mère et sa petite sœur dans un petit appartement parisien, puis le viol, l’avortement et enfin l’arrestation en pleine nuit.

La deuxième partie relate le procès et à la barre se suivent les accusées,  Marie-Claire, sa mère et sa collègue et la « faiseuse d’ange », ainsi que des personnalités témoignant en faveur des accusées comme le prix Nobel de médecine Jacques Monod, l’homme politique Michel Rocard ou, dans la lignée du Manifeste des 343, la comédienne Delphine Seyrig et Simone de Beauvoir. Parfois c’est vrai un peu proche de la caricature pour être emblématiques, mais souvent drôles, face-face à justice misogyne qui était bien loin des réalités des populations féminines.

La scénographie très réaliste représente une entrée et une cuisine des années 1970 laissant entrevoir les chambres puis pour la seconde partie un tribunal. La scénographie pleine de recoins, de placards où l’on cache pour mieux montrer, qui s’escamote pour révéler une autre réalité.

Les acteurs de la Comédie-Française ou d’autres, sont formidables passant d’un rôle à un autre, laissent entendre, vivre des personnes réelles avec brio, sans fausse note, ils, elles nous embarquent. Un immense bravo à Martine Chevallier qui interprète avec sensibilité et émotions le personnage de Marie-Claire à son âge actuel, témoin, victime, femme qui s’est construite sur ce drame et qui a survécu, qui a donné son histoire à la grande Histoire pour que la société change. Le parallèle entre la Marie-Claire de 15 ans et celle « grandie », « vieillie » de nos jours est touchant, elle est témoin de sa propre histoire et semble avoir un regard attendri de sa propre jeunesse brisée contre une société qui semble issue d’un temps archaïque mais qui perdurait dans les années 1970.

Elle se présente, présente les scènes, nous explique aussi la construction après un traumatisme. Pauline Bureau nous rapporte sa parole, ses émotions, la replace au centre de son histoire pour mieux nous rappeler que nous pourrions comme Marie-Claire en ces temps si troublés redevenir des hors-la-loi.

En effet ces moments où les droits des femmes sont de plus en plus souvent contestés, remis en cause, où une pseudo morale semble plus importante que le droits des femmes à disposer de leur corps, le travail de Pauline Bureau est primordial. Il nous rappelle ou nous apprend la réalité d’être femme, femme pauvre vivant une grossesse, un avortement clandestin, mais aussi une maternité sans argent, ballotée de foyers en foyers reniée par la société. Pauline Bureau nous informe, nous rappelle également les chiffres, le nombre de femmes mortes suite à une intervention devenue sécurisée de nos jours. En effet, elle nous permet de ne pas oublier que la lutte pour le droit des femmes est une lutte des classes.

C’est un théâtre documentaire complet. Pauline Bureau s’empare d’un sujet et y met à son service une mise en scène certes classique mais qui fait la part belle au personnage. Elle utilise la vidéo pour appuyer ses propos et rappeler des faits. Elle transmet des informations et narre une histoire, qui oscille entre rire et larmes, qui démontre au spectateur sans montrer crûment mais sans cacher non plus une réalité, celle des corps, sans être donneur de leçon et qui finalement rend hommage et redonne une voix à Marie-Claire et ses proches qui avaient accepté de laisser leur histoire, leur vie, devenir un symbole de lutte.

© Brigitte Enguérand, coll.CF

Hors la loi, texte et mise en scène : Pauline Bureau

Scénographie : Emmanuelle Roy

Costumes : Alice Touvet

Lumières : Bruno Brinas

Vidéo : Nathalie Cabrol

Musique originale et son : Vincent Hulot

Maquillages et coiffures : Catherine Saint-Sever

Dramaturgie : Benoîte Bureau

Assistanat à la mise en scène : Sabrina Baldassarra

Avec Martine Chevallier, Coraly Zahonero, Alexandre Pavloff, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Daniel Lebrun, Claire de la Rüe du Can, Sarah Brannens et Bertrand Roffignac 

Avec la participation artistique du Jeune théâtre national

Avec la participation de l’Ina (Institut national de l’audiovisuel)

Le texte de la pièce est à paraître aux éditions Actes Sud-Papiers

Du 24 mai au 7 juillet 2019

Du mercredi au samedi à 20h30, les mardis à 19h00 et les dimanches à 15h00

Durée 2h10

La Comédie Française – Le Vieux Colombier
21 rue du Vieux Colombier

75006 Paris

Réservation au 01 42 74 22 77 de 11h à 19h du lundi au samedi

www.comedie-francaise.fr

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