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Horace, d’Heiner Müller, mise en scène et interprétation de Claire Théodoly, au Lokal

Mar 16, 2022 | Commentaires fermés sur Horace, d’Heiner Müller, mise en scène et interprétation de Claire Théodoly, au Lokal

 

© Vincent Laval

 

f f f article de Denis Sanglard

Deux chaises à cour et jardin, comme les deux plateaux d’une balance de Justice, avec en son centre et pour fléau, Claire Théodoly. Droite et fichée au sol comme un glaive, la parole tranchante, elle dit Horace, un texte d’Heiner Müller. Vingt-cinq minutes d’une incroyable densité. Pour avoir vaincu en duel un Curiace et sauvé Rome mais tué sans nécessité et dans un accès de colère sa propre sœur fiancée au Curiace, Horace est à la fois glorifié, héros vainqueur et légitimé par le pouvoir, et condamné pour ce crime. Jugement flexible, l’assassin et le vainqueur ne faisant qu’une seule et même personne. Mais ni son crime ni son mérite ne seront passés sous silence. Heiner Müller expose la dualité de l’homme, son héroïsme et sa monstruosité, se refusant à tout manichéisme, acceptant l’antagonisme inhérent en chacun. Avec cette interrogation, que retenir au regard de l’Histoire d’un jugement, populaire ou judiciaire, quand l’héroïsme et l’innommable s’avère indissociable de l’homme ou d’une société. Et cette réponse implacable :« Mortel à l’homme est le méconnaissable. »

C’est une mise en scène radicale de sobriété, d’une épure sèche, où se révèle magistralement le texte dans toute sa dialectique. Le théâtre est aussi affaire de corps, celui-là est inflexible, au centre de ce plateau devenu tribunal. Claire Théodoly a le geste précis, chorégraphié avec minutie. Economie du geste donc, signifiant et signifié tout à la fois, et maîtrise de la parole délivrée. Captifs et tendus, nous n’écoutons plus, nous entendons. Claire Théodoly ne débite pas le texte, elle le donne avec une étrange parcimonie, voire économie, et grande intelligence. Chaque parole est comme soupesée de par son importance et livrée avec la clarté de l’assurance, d’une vérité donnée, immarcescible. Cette parole-là, densifiée par le silence que Claire Théodoly s’impose, nous impose, envahit bientôt tout le plateau. Et c’est bien elle, cette parole et ce qu’elle contient de tragique, qui est ainsi mis en scène avec cette rigueur, cette droiture qui ne faillit pas. Il n’y a pas ici de point de vue et ce n’est pas défaut. Cette forme singulière a le mérite d’amplifier, d’exhausser la parole d’Heiner Müller. Et cela seul semble importer. Claire Théodoly donne à chacun la liberté de traverser l’œuvre et d’y trouver son chemin, de s’y perdre. Devenir juré de ce procès, libre de notre jugement. Rejoignant en cela l’intention première d’Heiner Müller de faire voter le public lors de la création de cette pièce (1968).

 

© Vincent Laval

 

 

Horace d’Heiner Müller

Traduction de Jean Jourdheuil et Heinz Schwartzinger

Mise en scène et interprétation Claire Théodoly

Création mobilier Pascale Théodoly

Lumière Dominique Tassin

 

Le 8, 10, 11 mars 2022

 

Le Lokal

3 rue Gabriel Péri

93210 Saint Denis

 

Tournée

19 au 21 mai 2022, Festival La Ruche au TNBA, Bordeaux.

 

 

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