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Hermann de Gilles Granouillet, mise en scène de François Rancillac, La Manufacture, Festival Off, Avignon  

Juil 12, 2022 | Commentaires fermés sur Hermann de Gilles Granouillet, mise en scène de François Rancillac, La Manufacture, Festival Off, Avignon  

 

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

Vous est-il déjà arrivé d’être sûr que vous aviez rendez-vous à un endroit précis, un cloître, un bar, une plage peu importe, avec un être que vous savez disparu ? Et pourtant votre cœur bat à tout rompre, c’est une rencontre d’amour qui défie le temps et vous êtes ému, vous savez qu’il est là et la force de cette quête défie le temps. Cette expérience peut arriver à tout le monde. Ce spectacle Hermann fait son chemin profondément en nous, bien après l’avoir vu et ça tombe bien puisque le sujet central du récit est justement la mémoire.

Un matin, la police dépose dans une clinique neurologique un inconnu, un jeune homme russe dénommé Hermann. Il a tout oublié excepté un prénom, Olia. Soupçonné de déclarer un alzheimer précoce, il est pris en charge par Léa Paul, une neurologue qui le prend au mot. Elle sait que l’épouse russe d’un cardiologue Daniel Streiberg se prénomme Olia et tente de les mettre en relation, sans succès. La psychiatre ne désarme pas et fera tout pour qu’Hermann retrouve son amour ancien. Sa vie en sera transformée ainsi que celle des protagonistes de ce conte. Le récit est pris en charge par la neurologue qui relate au présent le fil d’une histoire vieille de 13 ans, lors d’un long flash-back mémoriel.

Granouillet écrit à l’os, chaque mot est pesé, pas de circonvolutions, le verbe se fait chair, on va à l’essentiel, avec des époques qui se superposent, on voyage entre espace réel et mental du sud de la France au nord, en passant par la Pologne et la Russie.

François Rancillac réussit à mettre en scène avec beaucoup de finesse ces méandres de souvenirs enchâssés. Sa scénographie sert l’univers onirique de l’auteur et ne lui vole pas la vedette comme on voit trop souvent. Un rideau translucide délimite le présent du bord de scène avec le passé qui occupe toute la profondeur de champ, le plateau est serti de trois murs constitués de lattes verticales qui permettent à la lumière de s’immiscer et de figurer une porte qui s’ouvre, un bureau ; un être peut apparaître à travers les lattes comme un fantôme. Des diapositives projetées montrent ce qu’est la vie d’un jeune homme de 25 ans au milieu de vieillards grabataires dans un hôpital psychiatrique.

Certains moments viennent tempérer cette atmosphère crépusculaire par leur beauté et leur drôlerie. On voit Olia esquisser un ballet aérien comme un oiseau qui prend enfin son envol, les deux médecins se déchaînent lors d’une danse frénétique sur un air des Charlots, « Les nouilles ».

Les comédiens, tous très justes, modulent avec subtilité la narration de leurs réflexions intérieures et les bouts de dialogue. Ils réussissent à nous faire ressentir l’inexpliqué, le mystère et la force du désir qui se joue de la normalité.

Chronos est le dieu grec du temps qui s’écoule, de la chronologie et Kairos c’est l’évènement, le moment où tout se joue pour le meilleur ou le pire. François Rancillac convoque ses personnages à ce moment de leur vie, l’instant dramatique par excellence, celui qui voit des gens ordinaires basculer de l’autre côté du miroir. Sa mise en scène nous permet de mesurer ce qu’est le Kairos, ce qu’il vient bouleverser chez des personnes qui marchaient droit dans une vie qui n’était pas la leur. Rien n’est dit mais on comprend tout.

Le passé ne passe pas, « Nous sommes une matière sur laquelle les rêves sont faits, disait Shakespeare, et notre petite vie s’arrondit d’un sommeil ». Venez nombreux au théâtre de la Manufacture, écoutez cette histoire d’amour et de temps retrouvé, lisez le texte de Gilles Granouillet paru à l’avant-scène ; un texte puissant, une mise en scène intelligente et quatre grands comédiens, que demander de plus !

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

 

Hermann, écrit par Gilles Granouillet

Mis en scène par François Rancillac

Scénographie : Raymond Sarti

Costumes : Sabine Siegwalt

Lumière : Guillaume Tesson

Son et composition musicale : Sébastien Quencez

Avec : Daniel Kenigsberg Claudine Charreyre Lenka Luptáková, Clément Proust

 

Du jeudi 7 au mardi 26 juillet 2022 à 19 h 30

Relâche les 13 et 20 juillet

Durée : 1 h 30
La Manufacture Avignon
2483 avenue de l’amandier

Avignon

Réservation : 04 90 85 12 71

Billetterie@ lamanufacture.org

Accès navette manufacture de la porte Thiers

 

Texte publié chez L’Avant-Scène Théâtre, 2013

 

 

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