© Simon Gosselin

ƒ article de Toulouse

Nous nous souvenions de Benjamin Lazar et sa somptueuse Traviata présentée l’année dernière dans les murs rouges et décrépits des Bouffes du Nord. Aujourd’hui nous avons plaisir à revenir dans l’enceinte de ce lieu mythique, pour découvrir sa toute dernière création Heptaméron, récits de la chambre obscure.

Ce qui signe l’œuvre conséquente de grand metteur en scène reste un goût particulier pour la musique. Ici elle ne fait pas défaut et participe à l’architecture dramaturgique de ce spectacle. Elle se compose pour cette nouvelle propositions de madrigaux, ces poèmes polyphoniques essentiellement chantés à cappella au tournant du XVIe et du XVIIe siècles, interprétés brillamment par dix chanteurs et dirigé par Geoffroy Jourdain, qui donne à la voix lyrique une ossature toute particulière et organique faite de nuances subtiles et charnelles. On a bien du plaisir à découvrir ou redécouvrir la beauté de ce genre musical qui dans l’histoire de la musique s’illustre comme une tache d’encre au milieu d’une page blanche, à l’image de la poésie nocturne embrassant cette scénographie faisant penser à un cahier d’écrivain ouvert au hasard. C’est d’ailleurs ce que dit le premier chant du spectacle Hor chell ciel e la terra, de Monteverdi, où il s’agit que tout se calme pour se laisser envahir par la nuit et venir exciter l’âme et la poésie intérieure. C’est ce moment où la nuit apporte avec elle les mots et les notes qu’on ne formule pas en plein jour et où l’ombre éclaire des sentiments exprimés par métaphore et par image. C’est de ça dont il s’agit dans ce spectacle affiché comme l’espace d’un conte, « un récit de chambre », basé majoritairement sur l’Heptaméron de Marguerite de Navarre et qui nous ramène enfant emmitouflé dans un petit lit. On trouve cependant à redire sur le jeu et la direction d’acteur, qui ne sont pas tous comédiens par ailleurs, dans cette idée de raconter qui n’est pas toujours au point. Nous dirons qu’ils usent le plus souvent de stratégies de conteurs, un peu trop formelles ou académiques, qui malheureusement peuvent nous sortir du récit. Exception faite pour le magnifique Geoffrey Carey à la présence folle et au bel accent anglais, qui amène dans son jeu et son histoire personnelle une matière plus concrète et triviale que lyrique, et qui par ses anecdotes peu croyables aère le spectacle. On sent donc un travail à encourager encore dans la manière de raconter ces récits et à trouver encore plus de complicité dans la relation au public.

Dramaturgiquement le spectacle apporte un appareillage symbolique immense, qui nous donne matière à réfléchir et attise notre imagination. Musicalement il est une invitation à plonger dans les songes d’une poésie obscure, tapisserie  vocale tissées de plusieurs voix.

© Simon Gosselin

Heptaméron, récits de la chambre obscure, d’après L’Heptaméron de Marguerite de Navarre
Et d’après la musique Claudio Monteverdi, Luca Marenzio, Benedetto Pallavicino, Carlo Gesualdo, Michelangelo Rossi et Biagio Marini
Mise en scène Benjamin Lazar
Direction musicale Geoffroy Jourdain
Scénographie Adeline Caron
Costumes Adeline Caron et Julia Brochier
Lumières Mael Iger
Maquillages et coiffures Mathilde Benmoussa
Images Joseph Paris
​Assistant mise en scène et dramaturge Tristan Rothhut

Avec : Fanny Blondeau, Geoffrey Carey, Malo de La Tullaye
Et avec Les Cris de Paris : Virgile Ancely, Anne-Lou Bissières, Stéphen Collardelle, Marie Picaut, William Shelton, Luanda Siqueira, Michiko Takahashi et Ryan Veillet

Du 1er au 23 février 2019

Du mardi au samedi à 20h30

Théâtre des Bouffes du Nord

37 bis boulevard de La Chapelle

75018 Paris

Réservations au 01 46 07 34 50

www.bouffesdunord.com

Métro ligne 2, arrêt La Chapelle

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