Un Fauteuil Pour l'Orchestre – Le site de critiques théâtrales parisien » Hépatik Girl, une épopée auto-immune de Marie-Claire Neveu et Tatiana Gousseff, Théâtre de Belleville

À l'affiche, Agenda, Critiques // Hépatik Girl, une épopée auto-immune de Marie-Claire Neveu et Tatiana Gousseff, Théâtre de Belleville

Hépatik Girl, une épopée auto-immune de Marie-Claire Neveu et Tatiana Gousseff, Théâtre de Belleville

Nov 25, 2023 | Commentaires fermés sur Hépatik Girl, une épopée auto-immune de Marie-Claire Neveu et Tatiana Gousseff, Théâtre de Belleville

ƒƒ article de Corinne François-Denève

Qui suis-je, où vais-je, et pourquoi suis-je malade ? Sur les planches, le désir de se raconter, sous la forme d’un seul en scène, est une pulsion fréquente. De plus en plus souvent également, les « autobiographies scéniques » tentent de cerner la question de la maladie ou du handicap. Le personnage, souvent l’acteur ou l’actrice, expose son mal non imaginaire, de façon pédagogique ou spectaculaire. Sa « performance » devient celle d’un corps qui se dit souffrant, dit sa souffrance, la cache, la montre ou l’exhibe. Le rapport du public à ce genre de pièce est forcément ambivalent : la compassion vient souvent remplacer le plaisir du théâtre ; la gêne parfois affleure – comment juger une personne qui semble se confier à vous sur ses maux, et à qui vous prêtez votre oreille et vos yeux, le temps d’un spectacle ?

Marie-Claire Neveu n’a pas une maladie chronique : elle en a trois. Et ces maladies ne sont pas « nobles » : pas le poumon, vous dis-je, mais bien les tripes, les viscères, les tubes, les intestins, les glouglous, le caca, quoi. Pour les évoquer sur scène, elle s’est choisi un alias et un titre éloquent : « Claire » est « Hépatik Girl », soit une super héroïne au foie en forme de cœur (ce qui n’est pas une bonne nouvelle) et dont le système immunitaire est tellement performant qu’il se met à jouer contre lui-même. La jeune femme sur scène est élancée, sportive, la natte conquérante laçant des cheveux splendides, un sourire magnifique irradiant de temps à autre, un visage extrêmement photogénique qui se découpe à merveille dans les projecteurs. Le « je » de la super héroïne se raconte : des péripéties de la visite médicale pour l’assurance qui garantit l’achat d’un appartement aux scènes primitives des premières douleurs, des premières osculations, des premiers diagnostics. Il n’est pas donné à tout le monde de faire battre le cœur des spectateurs et spectatrices sur le beat d’une IRM, ni de rapper une coloscopie. « Hépatant », a-t-on envie de dire.

Le récit est parfois maladroit, la volonté de savoir pourquoi (parfaitement légitime) conduisant à l’émission d’hypothèses peut-être un peu attendues. L’ « épopée » est toutefois bien joliment écrite, alternant moments durs et moments doux. La comédienne a un indéniable don d’imitation, le spectacle est souvent touchant, et surtout parfaitement mis en scène, dans ses transitions, par la décidément très bien douée Tatiana Gousseff, qui a aussi collaboré à l’écriture. Le propos, évidemment, n’est pas toujours facile (le spectacle est conseillé à partir de 12 ans) ; mais cette Marie-Claire, ou « Claire », indique clairement, en effet, que tout est possible, dans le spectacle vivant, ou de la vie qui gagne.