© Christophe Raynaud de Lage

fff article de Denis Sanglard

Jubilatoire ! Hen revient pour ses premiers adieux. En espérant qu’ils ne soient pas les derniers… Hen en son cabaret c’est l’insolence railleuse et un doigt bien profond, sinon plus,  dans le fondement des réactionnaires de tous poils et obédiences, populistes rances agitant encore aujourd’hui la question du genre et les droits LGBTQ+ et désormais le wokisme comme un épouvantail, vent-debout contre les avancées sociétales et les droits obtenus qui signeraient selon eux la fin de la civilisation hétéronormée, un papa et une maman, une ribambelle d’enfants en rose et bleu… Hen s’en contrefout, qui n’est qu’une marionnette de mousse et de bois, une chimère, pas plus transgenre que travesti, mais endossant à son gré toutes les identités, le corps se jouant effrontément des clichés de la représentation masculine ou féminine pour claquer le beignet aux tenants de la normativité réactionnaire. Hen est un mutant, non binaire en somme, libre de son corps et de sa parole, libre de jouir. Qui use du premier comme de la seconde, pour exprimer, célébrer, magnifier une sexualité sans entrave, sans tabou, exubérante et joyeusement subversive. Les cabarets comme les castelets ont toujours été le lieu de la subversion, de la transgression, du politiquement incorrecte, renversant cul par-dessus tête nos préventions imbéciles et absurdes. Johanny Bert fait ainsi d’une pierre deux coups, frappe très fort et ça fait un bien fou.

Hen chante sans fausse pudeur mais crûment les amours interlopes, la turgescence des sexes, la puissance du clitoris, la jouissance qui vous fouaille et mouillent les corps. Et la mort, aussi. C’est érotique, volontiers salace, jamais vulgaire, foutrement bien écrit surtout. Où l’on reconnait, entre-autre, les pattes et le doigté de Brigitte Fontaine, Prunella Rivière (une des trois Sea Girl), Pierre Notte… La langue bien pendue, le verbe aiguisé jusqu’à la pointe, la parole acide et le corps en avant affranchi  des carcans , Hen dénonce aussi, caustique, l’intolérance et les préjugés, la violence homophobe et transphobe toujours tristement d’actualité. Hen, manipulée à vue par Johanny Bert (qui en est aussi la voix parlée et chantée en direct) et Lucile Beaune, n’a de compte à rendre à personne, lui qui n’est de fait qu’un pantin. Voilà sa force et son impunité. Et c’est aussi toute la force volontairement séditieuse et politique de cette création à l’écoute du fracas du monde et des minorités sexuelles. Parce que le cabaret c’est aussi ça, être le reflet lucide et grimaçant d’une société en crise où se réfugient de fantasques et folles créatures qui avec un humour décapant et ravageur appuient là où ça fait mal puisqu’elles en sont parfois les premières victimes. Et de combattre par les mots, en chantant s’il le faut, l’intolérance la plus crasse, affirmant fièrement et crânement leur différence. Hen en est l’avatar marionnettique derrière lequel se cache, à peine il est vrai, Johanny Bert qui des questions d’identités et de genre, des droits acquis, fait ici son cheval de bataille. En ces temps incertains et délétères où reviennnent, exacerbées et rampantes, les stigmatisations envers les minorités, c’est dans la forme comme dans l’esprit sacrement culotté, fichtrement engagé et formidablement réussi. Découvrir, écouter Hen, c’est faire acte de résistance. Indispensable donc.

© Christophe Raynaud de Lage

Hen, cabaret insolent, conception et mise en scène Johanny Bert

Acteurs et marionnettistes : Lucile Beaune et Johanny Bert

Musiciens électro-acoustique au plateau : guillaume Bongiraud (violoncelliste), Cyrille Froger (percussionnistes)

Chansons (créations originales pour le spectacles) : Marie Nimier, Prunella Rivière, Gwendoline Soublin, Laurent Madiot, Alexis Morel, Pierre Notte, Yumma Ornelle, Guillaume Bongiraud, et Cyrille Forger. Brigitte Fontaine)

Arrangements musicaux : Guillaume Bongiraud, Cyrille Froger

Fabrication des marionnettes : Eduardo Felix

Lifting Hen : Laurent Huet

Travail vocal : Anne Fischer

Dramaturge : Olivia Burton

Collaboration à la mise en scène : Cécile Viltrant

Création lumière : Johanny Bert, Gilles Richard

Création sonore : Simon Müller

Création costumes : Pétronille Salomé

Du 9 au 27 mai 2023 à 21h

Le dimanche à 17h, relâche le lundi

Théâtre de l’Atelier

Place Charles Dullin

75018 Paris

Réservation : 01 46 06 49 24

www.theatre-atelier.com

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