ƒ article de Denis Sanglard
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« Ceci n’est pas du théâtre, ni de la performance, ni la réalité… »
Oubliez Shakespeare, ce n’est pas de la pièce éponyme dont il est question, ni du personnage emblématique. Mais d’une réflexion sur l’identité, la maladie et la réalité. Julian Meding, performer et musicien, fin androgyne à la présence troublante et timide, fragile et délicat, aux gestes déliés, crânes et sourcils rasés, s’expose, expose son corps au regard du public, raconte sans fard sa vie troublée. Enfance, parents, maladie, folie, différence, sa vie et son corps deviennent le matériaux de ses performances exposées crûment devant un public avec lequel il joue frontalement, entre provocation et flirt, le théâtre étant pour lui un espace de solidarité, terme qu’il assène avec rage. En cela, par la représentation, il est Hamlet, mais il reste Julian Meding, performer. Il chante aussi. Contrepoint d’un discours offensif sur l’identité et la différence qui ancre cette performance, terme réfuté mais comment définir cet objet théâtral singulier, dans la représentation. Julian Meding s’interroge sur la réalité, le basculement vers la folie, entre le monde que l’on voit et celui que l’on ressent, une absence de synchronisation qui trouble la perception du monde. Ce que je vois n’est pas la réalité, comment je suis vu ne l’est pas non plus. L’expérience de la folie, autre communauté approchée, devient là aussi un matériau pour s’interroger sur cette différence qui vous recentre, vous concentre et vous exclue de fait. Semblable en cela, images terrifiantes et infernales, à ces vieillards bouleversants filmés dans cet asile psychiatrique (?), projection choc qui vous secoue et fait basculer la représentation hors du plateau, ramène à la réalité. Et c’est parce que c’est la même communauté, celle des exclus à laquelle il appartient, qu’il pose un instant sur son visage un masque de vieillard. Mais l’identité reste au centre du questionnement. « A dix heure être, à 22h ne pas être. Ne pas être obligé d’exister. Ne pas être obligé de ne pas exister. Ne pas être obligé de vivre. A 14 heure les deux, ou rien, ou alors ? » Identité mouvante revendiquée que l’on perçoit dans son attitude sur le plateau entre provocation et retrait, affirmation et timidité. Le metteur en scène Boris Nikitin, dont c’est la première programmation en France, joue habilement des codes de la représentation performative et du théâtre documentaire. C’est un emboitement subtil, du théâtre dans le théâtre, qui questionne la vérité en se jouant paradoxalement de celle-ci et des codes de représentation. Comme dans Hamlet. Mais c’est un cabaret queer, voulu comme tel, forme hybride en soi, et dépouillée radicalement de tout signifiant autre que le corps, la présence magnétique, fragile et forte à la fois, de Julian Meding…
Hamlet
Idée et mise en scène de Boris Nitikin
Performance Julian Meding
Ensemble baroque Der musikalische Garten / Sara Bagnati, Annekatrin Beller, Daniela Niedhammer, Katia Viel
Scénographie Nadia Fistarol
Texte Boris Nikitin, Julian Meding
Compositions chantées Uzrukki Schmidt, Mathias Meppelink, Der musikalische garten
Vidéo Georg Lendorff, Elvira Isenring
Dramaturgie, son Mathias Meppelink
Assistantes à la scénographie Susanna Lombardo, Hélène Hunziker
Direction technique, lumière Benjamin HauserDu 22 au 26 novembre 2016 à 20h
La Villette-Grande Halle
211 avenue Jean Jaures – 75019 Paris
M° Porte de Pantin
Réservations 01 40 03 75 75
www.lavillette.com
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