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Guru de Laurent Petitgirard, mise en scène de Muriel Mayette-Holtz, Opéra Nice Côte d’Azur, Théâtre national de Nice (salle La Cuisine)

Fév 23, 2024 | Commentaires fermés sur Guru de Laurent Petitgirard, mise en scène de Muriel Mayette-Holtz, Opéra Nice Côte d’Azur, Théâtre national de Nice (salle La Cuisine)

 

 

© Dominique Jaussein

 

 

ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier

La création d’un opéra contemporain est toujours un événement à saluer, tant le phénomène est rare et l’entreprise exigeante. Guru a été créé en Pologne (Castle Opéra de Szczecin) en 2018. Il est repris en cette fin d’hiver dans l’une des salles du Théâtre national de Nice qui assure une nouvelle co-production avec l’Opéra Nice Côte d’Azur, dans une collaboration étroite alliant la mise en scène de Muriel Mayette-Holtz (dont c’est la première expérience lyrique) et l’implication de l’orchestre et du chœur de l’opéra. La composition de la partition a été assurée par un habitué de l’institution lyrique niçoise, Laurent Petitgirard étant à plusieurs reprises venu diriger l’orchestre philarmonique, qu’il prend un plaisir évident à retrouver cette fois pour son propre ouvrage (après une première expérience opératique à Nice, il y a 22 ans, avec Joseph Merrick dit Elephant Man). La salle de théâtre dite La Cuisine ne comportant évidemment pas de fosse, l’orchestre est placé sur le plateau auquel a été ajouté une « avant-scène », ce qui permet de manière assez peu courante de profiter aussi du spectacle des musiciens, comme dans un ouvrage en version concert, mais avec une mise en scène !

L’idée du compositeur, connu pour ses partitions de musiques de films, reprend le véritable fait divers, qui s’est reproduit plusieurs fois depuis, d’un suicide collectif de près de 1000 personnes aux États-Unis à la fin des années 1970, entraînées par un gourou.

L’enrôlement des disciples par un manipulateur charismatique et qui se prend au jeu de sa propre folie est au cœur du propos, ainsi que de la mise en scène, n’hésitant pas à représenter une scène d’agression sexuelle et de viol. Si l’on peut trouver quelques points communs dans l’écriture musicale contemporaine avec, par exemple, le travail de Thierry Escaich, les deux compositeurs ayant d’ailleurs pour autre point commun d’être tous deux à l’Académie des beaux-arts, le livret de Xavier Maurel n’a pas toujours l’acuité que l’on pourrait espérer sur un sujet si grave (à la différence de celui de Robert Badinter dans Claude) même s’il offre des passages intéressants.

Le chœur, imposant dans son nombre et sa puissance vocale, rejoint par six solistes qui arrivent de la salle, permet d’immerger le public dans l’esprit du confinement d’une communauté de désespérés allant à leur perte et leur disparition finale dans un élan mêlé de dévotion et de crainte, qui se traduit dans les expressions et la gestuelle de ferveur et de soumission. Parmi les solistes, si l’on ne devait en citer qu’un(e), c’est Anaïs Constant dans le rôle d’Iris, la mère de l’enfant élu et sacrifié du et par le Guru, qui s’impose avec évidence. La soprane offre une prestation vocale toute en sensibilité et une justesse très impressionnante dans la succession et variation parfois périlleuse de la partition imposant une grande agilité dans une large tessiture. Elle module par ailleurs avec finesse son amour passionné pour le Guru et sa terreur de mère dans une émotion et une qualité de jeu à la fois doloriste et pleine de grâce tout à fait remarquables. La constante de la qualité vocale est moins évidente pour les deux acolytes du Guru, le ténor Frédéric Diquero et la basse Nika Guliashvili, mais qui à leur décharge doivent lutter avec l’orchestre dont les accents et le volume sonore grondent comme une tempête sur cette île peuplée par la secte, et contre laquelle il est difficile de lutter. De la même manière le baryton Armando Noguera, a fort à faire pour s’imposer dans une acoustique par ailleurs non prévue pour des ouvrages lyriques, et dont le rôle principal impose une endurance exigeante avec une présence presque constante sur le plateau. La mezzo Marie-Ange Todorovitch, dans le rôle de la mère du Guru et la récitante Sonia Petrovna, dans le rôle de la rebelle et seule survivante, complètent la distribution, dans une direction d’acteurs efficace et fluide dans le décor et les costumes de Rudy Sabounghi et les lumières bien réalisées de François Thouret. On peut s’interroger sur la pertinence de la vidéo (plage et mer parfois assombries par le passage de corbeaux, allégorie du mauvais présage qui plane sur l’île et plans rapprochés sur les solistes et le chef d’orchestre) qui détournent peut-être par trop l’attention du spectateur ou qui au contraire permettent d’alléger le spectacle de cette souffrance et de l’accablante fatalité des agonisants, sur ce sol craquelé, comme celui d’une terre volcanique qui finit par engloutir tout semblant d’humanité de ces morts-vivants qui ont cru désespérément en la vaine quête de la vérité.

 

© Dominique Jaussein

 

 

Guru de Laurent Petitgirard

Livret : Xavier Maurel

Direction musicale : Laurent Petitgirard

Mise en scène : Muriel Mayette-Holtz

Décors et costumes : Rudy Sabounghi

Assistant costumes : Quentin Gargano-Dumas

Lumières : François Thouret

Réalisation vidéo : Julien Soulier

Assistants direction musicale : Frédéric Deloche, Paul Rouger

Directeur du Chœur : Giulio Magnanini

Cheffe de chant : Mari Laurila-Lili

Assistante mise en scène : Ornella Bastoni

Régisseuse générale : Manon Launey

 

Avec : Amando Noguera, Sonia Petrovna, Anaïs Constans, Frédéric Diquero, Nika Guliashvili, Marie-Ange Todorovitch et le Chœur de l’Opéra de Nice, et l’Orchestre Philarmonique de Nice

 

Durée : 2h15 (sans entracte)

Du 20 au 24 février 2024

 

 

Théâtre national de Nice

Salle de La Cuisine

155 boulevard du Mercantour

06200 Nice

 

www.opera-nice.org

www.tnn.fr

 

 

 

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