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Gretel, Hansel et les autres, texte et mise en scène d’Igor Mendjisky au Théâtre National de la Colline

Déc 08, 2022 | Commentaires fermés sur Gretel, Hansel et les autres, texte et mise en scène d’Igor Mendjisky au Théâtre National de la Colline

ƒƒ article de Sylvie Boursier

Quelle était votre histoire préférée quand vous étiez petit ? C’est quoi un feel-good book pour un enfant de sept ans ? Igor Mendjisky, a pris directement l’avis de jeunes « conseillers littéraires » dont sa fille et réécrit le conte des frères Grimm Gretel et Hansel en introduisant des éléments du quotidien actuel des enfants, la maîtresse, les copains d’école, papa, maman, leur communauté de vie. A l’origine les deux héros, une sœur et un frère, issus d’une famille bûcheronne sont victimes de leur belle-mère, qui décide de les perdre dans la forêt par crainte de la famine. En errant dans les bois, Hansel et Gretel trouvent une maison en pain tenue par une sorcière qui attire les enfants pour les manger. Gretel réussit à pousser la marâtre dans le chaudron destiné à les cuire, elle meurt ainsi carbonisée. Les enfants prennent les joyaux de la sorcière, et rentrent chez eux auprès de leur père devenu veuf où ils seront désormais à l’abri du besoin.

Chez Igor Mendjisky, trois adultes racontent l’histoire revisitée de Gretel et Hansel à des enfants qu’on imagine présents dans le public. Les deux protagonistes fuient volontairement un monde qui n’a plus ni couleur, ni odeur, ni saveur. L’agriculture a disparu au profit d’un mode d’alimentation par pilules tandis que des parents surbookés délaissent leur progéniture. Leur aventure dans la forêt devient un road movie exaltant au cours duquel ils feront l’apprentissage de la liberté, de l’amour fraternel et finalement retrouveront le goût des bonnes choses dans un final digne du film le Festin de Babette avec tout le village réuni. Un monde aseptisé ou les sensations et l’imagination ont disparu ne donne plus envie de grandir, le propos est simple voir simpliste mais l’essentiel est ailleurs, dans une mise en scène protéiforme d’une invention folle qui rend les choses belles et nous enchante quel que soit notre âge.

Sans aucune mièvrerie, petits et grands parlent le même langage sur le plateau ; des marionnettes figurant les enfants questionnent sans tabou les adultes. Avec beaucoup de sérieux et d’humour ils font passer des messages importants et posent mille questions : « C’est quoi la réalité madame ? Je vous trouve belle madame […] Personne ne vous embrasse ? c’est triste madame ». Des silhouettes découpées et montées sur des stylos sont projetées sur un drap et bougent avec des jeux de mains dans le faisceau lumineux qui éclaire le tissu, des ombres chinoises courent sur un fond d’écran géant. Lorsqu’on lit un livre à des enfants, ce n’est pas forcément le scénario qui les intéresse mais un détail, un dessin, qui excite leur imagination. Là les rêves se matérialisent sous forme d’images animées et de vidéos. Un trait, une tache, une bande chromatique composent un visuel de la forêt où les sujets ne font plus qu’un avec la nature.

Dans un décor hyperréaliste de chambre d’enfants avec train électrique, peluches et poupées, le conte devient réalité augmentée. Les trois comédiens, Esther Van Driesch, Sylvain Debry et Igor Mendjisky en personne accomplissent une performance. Ils jouent vingt-cinq personnages, changent de voix en un instant et nous attirent vers un monde de sensations et d’émotions. On sent le gâteau qui cuit sur le fourneau de la sorcière, le bruissement d’une licorne magique.

Un spectacle total visible de sept à quatre-vingt-dix-sept ans, qui donne l’opportunité d’initier au théâtre des enfants et de partager leur ressenti de spectateur avec le nôtre ne le ratez pas !