À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Grammaire des mammifères de William Pellier, mise en scène de Jacques Vincey, Théâtre Olympia, Tours

Grammaire des mammifères de William Pellier, mise en scène de Jacques Vincey, Théâtre Olympia, Tours

Nov 16, 2021 | Commentaires fermés sur Grammaire des mammifères de William Pellier, mise en scène de Jacques Vincey, Théâtre Olympia, Tours

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Corinne François-Denève

Au début, la peur nous envahit. Mais que sommes-nous donc allée faire dans cette galère ? Pourquoi avoir accepté d’aller s’enfermer, un week-end de novembre, dans la salle d’un théâtre, pour subir un texte évidemment contemporain, à prétention philosophique, qui va chercher, entre autres, dans le Tractatus logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein, PENDANT PLUS DE DEUX HEURES (on regarde à nouveau le programme, la durée est « indicative ») ? Certes, les jeunes comédiens et comédiennes de la troupe permanente sont sympathiques et engagé.e.s, et on soutient le spectacle vivant, mais… Bon mais en même temps maintenant qu’on y est… Le spectacle commence. Le plateau est dans la pénombre. Qu’est ce qu’on vous disait. On aura sûrement de la nudité, des chants et des face public avec micros. Pour l’instant les personnages, vêtus de curieux costumes poilus (ou plumés ? écoutez en même temps on n’y voit pas grand chose), psalmodient. Notez, deux heures quinze d’ASMR, c’est sans doute ce qui pouvait nous arriver de moins pire, on viendra nous réveiller quand ce sera fini.

Mais l’ASMR déraille. Les voix mécaniques, puis cauteleuses ou sensuelles, commencent à dispenser des préconisations étranges. Les animaux que nous sommes sont renvoyés à leur viande, et, sur les sièges, les viandes commencent à flageoler de rire, tant le propos commence à devenir délicieusement absurde. Puis les voix s’éteignent, les personnages disparaissent, la mue s’opère, les mammifères commencent leur leçon de grammaire – ou de théâtre. Avec nudité, chants et face publics avec micros, mais qui s’en soucie ?

Ce qu’il est fin et malin, ce Jacques Vincey. De ce texte que d’aucuns et d’aucunes auraient jugé difficilement irreprésentable, il sait tirer le meilleur. Il le chapitre, l’illustre par des séquences lumineusement dessinées, à leur tour mises en valeur par des changements de registres, de tons, de costumes, d’espaces. Une scénographie fine et subtile, maniée à vue, amène les transitions de façon très fluide. On enveloppe, on dévoile, on glisse et reconstruit ; on évacue ou fait renaître. Le fil rouge du texte ne se perd jamais : il s’agit d’expliquer, ou de montrer, ce que nous sommes, ou qui nous jouons, dans un geste pirandellien qu’une pirouette finale rend encore plus beau. Entretemps, des tableaux se seront succédé, sérieux, poétiques, ou drolatiques – on a, il faut bien le dire, une préférence fort coupable et régressive pour le délicieux tableau de famille façon Cerisaie passée à la moulinette d’Armando Llamas – Anton est complètement pété, le nommons-nous.

Ce qu’il est intelligent et généreux, ce Jacques Vincey. Il a doté son CDN d’une troupe permanente de jeunes comédiens et comédiennes, choisis avec une grande finesse, là encore. Les physiques, les voix, les dons, forment véritablement troupe. On comprend le pourquoi de ces 2 h 15 : déjà parce que c’est le temps qu’il faut pour mener à son terme cette odyssée ambitieuse, ensuite, parce qu’il est important que tous les acteurs et actrices soient servi.e.s à la hauteur de leurs jeunes et grands talents. On ne sait qui on préfère, de Cécile Feuillet, et son solo inversé à la Nina Hagen (blonde), de Marie Depoorter, mélange plein de grâce de Gelsomina, Giselle et Nadia Comaneci (oui, oh, écoutez, allez voir), de Nans Mérieux, qui est un peu notre grand-mère à tous et toutes (mais puisqu’on vous le dit !), d’Hugo Kuchel, dont le seul talent n’est pas de tenir dix minutes dans un (petit) flight case, de Garance Degos, sylphide reine au port altier, de Tamara Lipszyc, tragédienne déjantée, d’Alexandra Blajovici, à la douceur décidée et inflexible, ou encore de Romain Gy, transformiste plein d’auto-dérision, et roi de la course sur place.

Le spectacle, mené à un train d’enfer et plein d’enthousiasme, se termine déjà. Mais pourquoi déjà ? Il n’y a pas encore, je ne sais pas, deux heures de plus ? On ne les verrait pas passer.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

Grammaire des mammifères, de William Pellier

Mise en scène Jacques Vincey

En complicité avec Vanasay Khamphommala, dramaturge et chanteuse et Thomas Lebrun, chorégraphe

Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy

Assistanat scénographie : Léonard Adrien Bougault

Lumières : Diane Guérin

Son : Alexandre Meyer

Costumes : Céline Perrigon

Vidéo : Blanche Adilon-Lonardoni et Maël Fusillier

Assistanat mise en scène : Blanche Adilon-Lonardoni

Avec : Alexandra Blajovici, Garance Degos, Marie Depoorter, Cécile Feuillet, Romain Gy, Hugo Kuchel, Tamara Lipszyc, Nans Mérieux

 

Durée : 2 h 15

Du 3 au 13 novembre 2021

 

 

Théâtre Olympia CDNT 

7 rue de Lucé

37000 Tours

02 47 64 50 50

www.cdntours.fr

 

 

Tournée :

1er au 4 décembre 2021 : TnBA – Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed