© PatrickBerger – Dafra Keita
ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
Gloria en espagnol c’est la gloire, mais aussi le plaisir. En l’occurrence, Gloria à la sauce Montalvo c’est la mise en scène d’une forme de gloire personnelle des danseurs et de la transmission de tout le plaisir possible aux spectateurs. Mais il n’est nullement question de glorification, c’est même plutôt le contraire ou tout du moins, une manifestation non péjorative de ce sentiment qui est tout sauf arrogant. Le spectacle se serait certainement appelé Orgullo si le substantif avait été lisible pour les Français et dans d’autres langues, car c’est bien plus de fierté que les artistes nous parlent.
16 personnalités qui dansent avec joie, ensemble et séparément sur le plateau, leur fierté d’être là et qui dans une vingtaine de respirations non dansées nous expliquent pourquoi en nous livrant leurs témoignages individuels, extrêmement personnels, voire intimes, au micro à pied en front de scène (en clin d’œil probablement à Pina Bausch) ou au micro sans fil individuel. 16 personnalités qui n’auraient pas dû être là si elles avaient écouté et simplement subi les refus ou les préjugés. Une telle a été considérée comme trop grosse, une autre avec des seins trop petits, un autre trop vieux, encore un autre trop handicapé. Ils n’ont pourtant jamais renoncé à leur passion de la danse et ont su l’imposer et s’imposer et faire partie de la magnifique aventure orchestrée par le chorégraphe espagnol José Montalvo qui avait déjà réuni plusieurs des mêmes artistes dans ses spectacles précédents, en particulier Y Olé et Carmen, auxquels les spectateurs de la Scène nationale des Gémeaux avaient déjà eu la chance de pouvoir assister.
Une chance, oui, car cette grosse heure d’allégresse, d’énergie, de positivité est reçue dans la salle comme une véritable transfusion euphorisante, un shoot visuel et auditif. Une parenthèse heureuse, utopique, où l’on accepte de croire que tout est possible pour celui ou celle qui ose aller jusqu’au bout de ses rêves. Certains trouveront que le message est gentiment bisounours, d’autres, la plupart, jouent le jeu et se laissent porter par le pur plaisir, frissonnant même par moments de tant d’audace. Car de l’audace il en faut pour présenter un spectacle où les spécialistes de flamenco s’essaient au break, les danseuses classiques à la danse africaine et au clavier, les danseurs africains, les breakers ou poppers au flamenco, maîtrisant sans contestation possible les compas de bulería. De l’audace encore pour la liberté que transmettent le danseur africain et le danseur de hip hop en robes et les danseuses de flamenco, de danses africaine et classique un long moment topless, jouant avec leurs seins, comme elles peuvent jouer avec leurs pieds ou leurs mains. De l’audace enfin pour arriver à laisser le sourire aux lèvres à des centaines de spectateurs sur la musique farce du « Nombril » (dans la version de Jeanne Moreau) et à la faire danser et chanter après les saluts par une salle debout et hilare.
Gloria de Montalvo c’est donc tout sauf l’austérité sublime du « Gloria in excelsis Deo » de la cantate BWV 191 de Bach (lequel compositeur est néanmoins utilisé parmi d’autres « tubes » classiques et flamenco). C’est un feu d’artifice polymorphe, qui lie humour et technique, diversité et unité, pluridisciplinarité et harmonie, la preuve que le monde n’est pas si laid (en dépit des destructions de la faune et la flore rapidement dénoncées dans un passage écolo un peu plaqué la fin du spectacle), que la vie peut-être aussi une fête pour tous ceux qui savent se saisir de leur liberté…
© Patrick Berger
Gloria, chorégraphie, scénographie, conception vidéo José Montalvo
Assistante à la chorégraphie Joëlle Iffrig
Costumes Agnès D’At, Anne Lorenzo
Scénographie, lumières Didier Brun
Son Pipo Gomez, Clément Vallon
Régisseur vidéo et collaborateur artistique Franck Lacourt
Collaborateurs artistiques Sylvain Decay, Clio Gavagni, Michel Jaen Montalvo
Chef opérateur Daniel Crétois
Cadreuse Prune Brenguier
Avec : Karim Ahansal dit Pépito, Michael Arnaud, Rachid Aziki dit ZK Flash, Nadège Blagone duit Sellou, Eléonore Dugué, Serge Dupont Tsakap, Fran Espinosa, Samuel Florimond dit Magnum, Elizabeth Gahl, Rocío Garcia, Florent Gosserez dit Accrow, Rosa Harrador, Dafra Keita, Chika Nakayama, Beatriz Santiago, Denis Sithadé Ros dit Sitha
Durée 1 h 15
Les Gémeaux, Scène nationale
49 avenue Georges Clemenceau – 92330 Sceaux
Spectacle créé à la Maison des arts de Créteil en septembre 2021
En tournée :
Maison de la danse de Lyon des 15 au 17 décembre 2021
Festspielhaus de St. Pölten le 28 janvier 2022
Le Channel Scène nationale de Calais les 25 et 26 février 2022
Le Carré de Sainte Maxime le 14 mai 2022
Théâtre de Caen des 18 au 22 mai 2022
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