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Giselle, chorégraphie de Dada Masilo, La Villette, Grande Halle

Déc 20, 2018 | Commentaires fermés sur Giselle, chorégraphie de Dada Masilo, La Villette, Grande Halle

 

© Stella Olivier

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Giselle par Dada Masilo n’est pas le ballet romantique attendu. Dynamique, violent, féministe et politique c’est une version décapante où le pardon n’a pas lieu. Giselle, abandonnée après avoir été séduite, meurt. Métamorphosée en Wali, fantôme condamnée à danser toutes les nuits, accompagnées de ces spectres d’infortune, elle se venge et conduit son amant à la mort. Loin du ballet original où Giselle épargnait Albrecht. Ici la reine des Wilis, Myrtha est une sangoma, une guérisseuse Zulu. Les Wilis sont des esprits violents, vêtues de rouge sang et c’est à coups de fouet qu’elles assouvissent leur vengeance… On retrouve ce qui fait l’originalité de Dada Masilo, danseuse et chorégraphe sud-africaine, depuis Roméo et Juliette, ce métissage percutant entre ballet classique, danse contemporaine et danse africaine. Plus âpre ici, plus nerveux, les mouvements sont saccadés plus que déliés. La danse classique semble ici entrer comme par effraction, une réminiscence. A peine amorcé le mouvement, l’envol se brise. Les frappes des pieds ont remplacés les pointes. La terre plus que le ciel. Giselle est une boule de nerfs, toute en tension et fragilité. Pas de large mouvement mais une retenue sèche, des élans vite réprimés, des bras qui s’élancent avant de se rétracter, un rapport au sol constant. Au contraire d’Albrecht, aux gestes plus amples, aux envolés récurrentes. Contraste saisissant qui signe une différence de classe. La paysanne n’épousera pas le prince. De ce ballet narratif, proche parfois de la pantomime, voire théâtral, accentué un brin par la chorégraphe, Dada Masilo fait encore une fois un manifeste. Ici les Walis ne sont que l’expression exacerbée d’une conquête féminine sur les hommes. Femmes sorcières et guérisseuses, vengeresses, toutes puissantes. Le deuxième acte est sans doute de l’ensemble du ballet le plus prégnant, funèbre danse macabre, âcre, violente, qui voit la mise à mort d’Albrecht passer par la transe le dépouillant de son vocabulaire classique. En tuant Albrecht, Giselle se libère. On pense évidemment à ce mouvement #Totalshutdown luttant contre la violence sexuelle en Sud-Afrique. Mais également à toute oppression, qu’elle soit de classe ou de sexe, exercé par le patriarcat. Message on ne peut plus clair. Mais d’où vient ce sentiment latent d’inachèvement ? Chorégraphie un poil répétitive, parfois brouillonne, particulièrement dans les ensembles, quelques longueurs, une dramaturgie parfois pesante particulièrement au premier acte plombe un ensemble qui frappe, comme toujours, par son dynamisme, son énergie, son inventivité mais qui masque un essoufflement non dans les intentions, généreuses, mais dans la réalisation qui semble ne plus se renouveler. Depuis le Lac des Cygnes, foudroyant,  Dada Masilo semble avoir perdu un souffle, lissé sa danse. Où notre surprise, notre attente s’est-elle émoussée ?

 

© John Hogg

 

Giselle, chorégraphie de Dada Masilo

Musique Philippe Miller

Dessins William Kentridge

Assistant de direction David April

Lumières Suzette Le Sueur

Costumes David Hutt of Donker Nag Helder Hag (acte 1), Songezo Mcilizeli & Nonofo Olekeng of those two Lifestyles (acte 2)

Avec Dada Masilo, Liyabuya Gongo, Khaya Ndlovu, Zandile Constable, Nadine Buys, Sinazo Bokolo, Xola Willie, Llewellyn Mnuni, Tshepo Zasekhaya, Lwando Dutyulwa, Thami Majela, Steven Mokone, Thami Tshabalala

 

Du 18 au 21 décembre 2018 à 20h

 

La Villette, Grande Halle

211 avenue Jean-Jaurès

75019 Paris

 

Réservations 01 40 03 75 75

www.lavillette.com

 

 

 

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