© Nelson Schaub
ƒƒ article de Nicolas Thevenot
Baptiste Cazaux, posté au centre de l’une des faces du quadrifrontal qui ceinture un espace vide hormis quelques enceintes, nous accueille en slip, baskets noires et chemise rayée de bureau. Il a le sérieux du jeune entrepreneur sans le pantalon (partant en visioconférence pendant sa journée de télétravail). Ou la migraine du raveur mal réveillé. GIMME A BREAK !!! est une œuvre qui déroute comme une route sauvage empruntée à Lynch, un cul-de-sac qui vous met la tête par dessous le cul. L’étrangeté d’une œuvre qui fait irruption comme un crash test. GIMME A BREAK !!! est une forme qui ne fait pas dans le détail, aride et radicale, un bloc de pensée et de béton. Il faut en avoir du courage pour affronter une salle pleine avec une forme qui ose la possiblement horripilante répétition du même geste. Baptiste Cazaux s’avance, sans trembler, assuré, concentré, dans la ligne de mire d’une assistance. La tension spectaculaire, muscle et vertèbre de la forme, ressort aussi de ce rapport exacerbé.
D’abord des sons et des enceintes. Tel un régisseur ou un ingénieur du son, notre homme dispose et raccorde chacune des nombreuses enceintes innervant l’espace de nouveaux flux musicaux pareils à un rhizome sonore en expansion. Chaque linéament s’ajoutant au précédent. Musique techno altérée, comme un crachotement sur chaque nouveau haut-parleur. Baptiste Cazaux installe, écoute, modifie, dispose puis recompose son installation et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a dans cette recherche quelque chose comme la quête d’une anamorphose auditive où une certaine mélodie ne pourrait apparaître que dans un alignement tout particulier (Holbein le jeune ayant ainsi peint Les ambassadeurs de sorte que sous un angle optique unique un crâne apparaissait sur la toile). De cette mélodie, il restera un refrain que notre performer reprendra dans un chuchotement à tue-tête, l’expression n’ayant jamais paru aussi bien trouvée. Head banging en serait la version anglaise, ce hochement de tête qui vous prend lorsque la musique vous possède. Comme si la danse qu’elle pouvait impulser se trouvait réduite à cet appendice, siège de l’intellect et souvent opposé aux tripes dont on loue la pulsion organique plus en lien avec le rythme. Donnant une amplitude de plus en plus grande à son mouvement entraînant l’entièreté de la colonne vertébrale, augmentant une force qui acquiert une forme de violence, sa performance, si l’on évacue le martyr des cervicales pour lesquelles on ne peut que compatir, en vient à évacuer, par sa répétition même et paradoxalement, ce qui pourrait être éminemment spectaculaire pour rejoindre à une sorte d’ascèse. La variable temporelle étant celle qui déplace l’équation vers un temps purement performatif, échappant à celui de la représentation. GIMME A BREAK !!!, telle une machine à tester l’ouverture et fermeture sans fin d’un canapé lit Ikea, sonde l’usure du corps comme celui de l’objet spectaculaire via une sorte de rite de possession 2.0. Machinique et profondément humain par sa personne même mise en jeu et en danger, Baptiste Cazaux est décidément bien culotté.
© Morgan Carlier Van Elslande
GIMME A BREAK !!!, chorégraphie et interprétation de Baptiste Cazaux
Musique : Être Peintre
Lumières : Justine Bouillet
Son : Gaspard Perdrisat
Assistanat : Lisa Laurent
Dramaturgie : Johanna Hilari
Durée : 45 minutes
Le 7 décembre 2024 à 19h
Centre national de la danse
1 rue Victor-Hugo
93500 Pantin
Tél : + 33 (0)1 41 83 98 98
www.cnd.fr
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