Critiques // Georges Dandin où le mari confondu, de Molière, musique de Lully, mise en scène de Michel Fau, Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Georges Dandin où le mari confondu, de Molière, musique de Lully, mise en scène de Michel Fau, Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Mai 09, 2022 | Commentaires fermés sur Georges Dandin où le mari confondu, de Molière, musique de Lully, mise en scène de Michel Fau, Athénée Théâtre Louis-Jouvet

 

 © Marcel Hartmann

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

« Vous l’avez voulu, vous l’avez voulu Georges Dandin, vous l’avez voulu. » Répété ad nauseam par ce riche paysan, broyé par sa lucidité pour avoir acheté un titre fantoche avec en sautoir une héritière désargentée qui ne s’en laisse pas conter devant ce marchandage odieux dont elle fut l’objet, victime non consentante sacrifiée sur l’autel des intérêts familiaux et d’un rêve de grandeur impossible. Georges Dandin ce n’est pas une question d’amour mais une question d’argent, renflouer la belle-famille ruinée et sclérosée sur leur titre et leur classe, pour une illusion d’ascension sociale dont ils font tous les deux, Georges Dandin et Angélique, à leur façon, les frais. Guerre des sexes, guerre de classe, guerre économique, c’est tout ça à la fois. Alors quand passe un fat, petit vicomte se voulant galant homme, qui vous rappelle pour l’une votre jeunesse en péril, votre rang perdu, voire votre émancipation possible, et pour l’autre une condition factice, bouseux un jour-bouseux toujours, l’humiliation continuelle prend un sale tour. Molière met à nu avec férocité sous la farce les mécanismes sociaux de ses contemporains qui broient chacun, victimes et bourreaux tout à la fois. Lutte des classes, circulation de l’argent et affrontement des sexes dans une situation qui tourne au cauchemar grotesque, les personnages se cognent contre la violence d’un système, une organisation sociale qui les enferme et les oblige malgré eux. Michel Fau, en poil de carotte pour l’occasion, met cela en scène avec subtilité, restituant là en contre point grinçant salement, les incises musicales de Lully et de Molière, intermèdes baroques, pastorale où bergers et bergères déroulent la carte du tendre, prônant amour, félicité et fidélité, choisissant de noyer le chagrin d’amour dans le vin plutôt que de se jeter la tête la première dans la rivière. Michel Fau privilégie certes la farce mais tempérée par le désespoir de son personnage d’une lucidité douloureuse et amère devant la haine générale qu’il suscite, d’angélique et de ses beaux-parents de Sottenville fauchés mais infatués de leur condition, jusqu’à la domesticité rouée, au plus près de ses intérêts, toujours et évidemment du meilleur côté du manche. Michel Fau est un clown baroque mais délesté ici de ces habits d’Auguste, de son masque, pour ne faire sourdre que le tragique de son personnage, tragique que l’on retrouve accusé par la dynamique de la farce même. Une mise en scène à l’esthétique baroque assumée, beauté en trompe l’œil et faux-nez devant la laideur des sentiments et le cauchemar de la réalité qu’elle accuse de fait, et toute de verticalité avec cette étrange tour centrale, symbole de cette échelle sociale qu’une seule fois Georges Dandin réussira à monter avant de chuter définitivement. Un rez-de-chaussée fait d’une souche, qui n’est pas sans rappeler, hasard ou non, Arnolphe, dans l’Ecole des femmes, se faisant appeler Monsieur de la Souche et dont la parenté avec Georges Dandin s’éclairerait ici, symboliquement, d’un jour nouveau et cruel. Une souche donc, couronnée d’un balcon que surmonte une châsse gothique, enserrant Angélique en fausse sainteté, en madone vénérée par tous, vraie martyre d’un mariage arrangé et détesté. Pure illusion donc puisque cette tour – comme son mariage – est sa prison, descendue vivement en rappel pour y échapper et retrouver en tapinois l’amant Clitandre. Georges Dandin demeurant désespérément en bas donc, devant la porte, toujours condamné à regarder « le monde d’en haut » sans jamais pouvoir y accéder, dominé irrémédiablement par tous. Que résume en quelque sorte ce « Ah, Georges Dandin ! », répété comme un douloureux mantra, et qui signe, dès l’ouverture, sa défaite annoncée. C’est si vrai qu’à peine exprimé, la salle de s’esclaffer. Dur et violent. Nul n’est dupe dans cette affaire.

 

© Marcel Hartmann

 

Georges Dandin ou le mari confondu, de Molière

Musique de Lully

Mise en scène Michel Fau

Direction musicale Gaétan Jarry

Avec Alka Balbir, Armel Cazedepats, Michel Fau, Philippe Girard, Florent Hu, Anne-Guersande Ledoux, Nathalie Savary

Quatre chanteurs en alternances :

Soprano : Cécile Achille/Caroline Arnaud

Soprano : Juliette Perret/Virginie Thomas,

Ténor : David Ghilardi/François-Olivier Jean

Baryton : Virgile Ancely/David Witczak et Cyril Costanzo

L’ensemble Marguerite Louise, huit musiciens en alternance :

Clavecin et direction : Gaétan Jarry

Dessus de violon : Liv Heym, Patrick Oliva, Emmanuel Resche-Caserta, Tami Troman

Violon 2 : David Rabinovici, Sandrine Dupré

Alto : Camille Aubret, Satryo Yodomartono, Patrick Oliva, Maialen Loth

Viole : Robin Pharo, Marion Martineau, Marie-Suzanne de Loye, Ondine Lacorne-Herbrard

Flûte : Julien Martin, Victoire Fellonneau, Sébastien Marq

Basson : Stéphane Tamby, Evolène Kiener

Théorbe : Romain Falick, Etienne Galletier, Marco Horvat, Léo Brunet

 

Costumes : Christian Lacroix

Décors : Emmanuel Charles

Lumières : Joël Falbing

Maquillage, coiffes et perruques : Véronique Soulier Nguyen avec la collaboration de la Maison Messaï

Assistant à la mise en scène : Damien Lefèvre

Assistant costumes : Jean-Philippe Pons

Stagiaires assistants à la mise en scène : Barthélémy Fortier, Sacha Vilmar

 

Du 6 au 29 mai 2022 à 20 h

Le dimanche à 16 h

Relâche le lundi

 

 

Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Square de l’Opéra Louis-Jouvet

7 rue Boudreau

75009 Paris

Réservations 01 53 05 19 19

accueil@athenee-theatre.com

 

 

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