À l'affiche, Critiques // Géographie de l’Enfer, d’Alex Lorette, mise en scène Louis Bouquet, L’Essaïon Théâtre

Géographie de l’Enfer, d’Alex Lorette, mise en scène Louis Bouquet, L’Essaïon Théâtre

Juil 09, 2019 | Commentaires fermés sur Géographie de l’Enfer, d’Alex Lorette, mise en scène Louis Bouquet, L’Essaïon Théâtre

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Un soir n’importe où mais très loin de tout, un homme se perd en voiture et est recueilli par le tout jeune Franck. Cet homme au luxueux costume se retrouve dans une maison isolée de tout, où vit, en plus de Franck, JC, un grand gaillard monstrueux qui n’accepte pas la présence de ce type bien comme il faut, sentant le fric et l’aisance inhabituelle. Il y a aussi une jeune femme, Leslie, qui s’enferme et se protège dans sa chambre. Le gaillard est l’essence de la violence, de la colère et de la haine. Les deux autres supportent, comme ils peuvent. L’arrivée de cet automobiliste risque de ne pas arranger les choses. Le grand barbu ne supporte pas l’arrivée de ce beau petit mec bien habillé, qui possède un joli téléphone portable et une grosse voiture.

Voici en quelques mots le thème de cette Géographie de l’Enfer, pièce d’Alex Lorette, écrite en 2013, mise en scène par Louis Bouquet dans ce petit théâtre de l’Essaïon, qui semble avoir lui-même été créé pour un tel spectacle. Un lointain sous-sol, silencieux, pour peu de gens, public donc écrasé sous toute cette force qu’il se prend dans la figure. On ne vient pas là innocemment, bien entendu, avec un titre pareil, Géographie de l’Enfer, on imagine que le soir, tard, quand on est perdu, loin… On arrive guillerets, légers se disant qu’une vilaine petite peur sera de la partie, ici ou là un frisson, même, pourquoi pas. Eh bien non, Géographie de l’Enfer c’est bien autre chose. C’est l’enfer tout court. Quatre comédiens, une femme et trois hommes, nous enferment, nous perdent, et il ne s’agit pas là d’une note négative, non, ils sont excellents. Être au théâtre, face à eux ? Non, pas du tout, nous sommes de toutes petites bêtes invisibles, épiant la fulgurance de talents composés, oui, une force qui parfois dérangerai, pousserai vers un malaise, une envie de crier. Le mal est dans cette petite cave voûtée du théâtre parisien.

Nous sont présentées au fin fond des bois, dans cette baraque isolée, la perte, l’appréhension, l’incompréhension. Lucifer ne se ballade pas avec sa fourche, mais il est bien là, plus discret, plus dans le vent. Mensonges, dissimulations, attirance, coups et blessures. J’en oublie et il en rajoute. Le jeu est ici d’une subtilité fascinante, trompe, joue et dévie. Montre aussi la difficulté de communication, la peur de soi, de l’autre, comment être son propre maître, en trouver mille et une façon pour, plutôt que de se perdre ailleurs. Pourquoi JC, si grand, si fort, se doit-il être si mauvais, pourquoi soumet-il ceux qui l’entourent ? De quoi a-t-il peur ? De qui ? D’où vient le mal ? Qui est perdu ? Pourquoi Franck semble-t-il si joyeux, et Leslie, si folle du nouveau venu ? Et cet étranger, pourquoi reste-t-il dans la maison noire ? Qui cherche à se sauver, qui cherche à se fondre dans la faute, le désaccord ?

Nous sommes tirés vers le haut, vers le bas. Tout fonctionne dans cette mise en scène, sauf peut-être un moment attendu, une révélation, que tout porte à être d’une surpuissance et qui pourtant passe comme une lettre à la poste. Oui, le pire est trop doux, rapide, partout se trouvent douleurs et menace et là, l’axe de la pièce est à la limite du sans odeurs et sans couleurs. Avec un peu plus de poids ici, la fin et la révélation se feraient plus justement, ne seraient pas à deux doigts de passer à la trappe. Aller jusqu’au bout de la note, porter son cri jusqu’à l’étouffement. Et reprendre vers le vrai, la lumière ? Ce qui n’existe pas. Peut-être. En tout cas, rien d’anodin dans cette pièce dont on ne sort pas libérés. Plusieurs jours après on est toujours emprisonnés, paumés. Qui est qui ?

 

 

Géographie de l’Enfer, d’Alex Lorette

Mise en scène Louis Bouquet

Assistanat et création lumières Charles Derondel

Avec : Célian Iaïchouchene, Edin Hot, Pauline Dizès, Perrine Bertran, Guillaume Prevot

 

Du 4 au 27 Juillet 2019

Les jeudis et vendredis à 21 h 30

Les samedis à 19 h 30

 

Durée 80 minutes

 

 

L’Essaïon

6, rue Pierre au Lard

(à l’angle du 24 rue du Renard)

75004 Paris

 

Réservations :

01 42 78 46 42  ou  essaionreservations@gmail.com

www.essaion-theatre.com

 

Métro

  • 1 Arrêt Hôtel de Ville
  • 11 Arrêt Rambuteau
  • 1 4 7 11 14 Arrêt Châtelet

Bus

  • 38, 47, 75, 29, Arrêt Centre Georges Pompidou

 

 

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