ƒƒƒ article de Florent Mirandole

Photo Véronique Ellena

Le moonwalk est un art. Pendant les 4,54 minutes de Billie Jean, une quinzaine de danseurs se succèdent et livrent sa version du périlleux du pas de danse inventé par Mickael Jackson. Aux pas félins qui glissent sur le sol succèdent les pas plus saccadés, ou les versions totalement loufoques du roi de la pop. Le spectacle de Jérôme Bell se construit autour d’une succession d’ « exercices », au cours desquels la troupe va également s’essayer à la valse, le saut, ou encore le rock métal… le point commun de ces danseurs, majoritairement amateurs, est de livrer à chaque fois une interprétation particulièrement personnelle, comme si la consigne donnée par le chorégraphe avait été avant tout de se faire plaisir. En dépouillant ainsi l’art chorégraphique de ses exigences techniques, en abandonnant son cérémonial lourd et compassé, Jérôme Bel cherche à retrouver le plaisir primaire de danser. Il en ressort ainsi un spectacle étonnant, où le fil directeur n’est pas une performance autour d’un kaléidoscope de danses mais une émotion instinctive, naturelle, celle qui nous fait remuer le pied lorsque l’on entend Freed from desire de Gala.

Le spectacle n’est pas pour autant didactique, à l’exception peut-être de la première scène. Le premier exercice donne d’ailleurs tout de suite le ton. Alors que l’exercice consiste à faire une pirouette classique, les efforts maladroits déployés par certains et les costumes fantasques font éclater les premiers rires. Pourtant très vite ils se transforment en rires bienveillants, de soutien et de partage. Parce qu’ils se mettent à nu devant nous, une complicité forte se crée entre les danseurs et le public. En mêlant professionnels et amateurs, Jérôme Bel a d’ailleurs désamorcé l’ambiguïté de son spectacle. L’objet n’est pas de montrer un quelconque écart de niveau, mais de convaincre que la danse est avant tout question d’envie et de sensibilité. Qu’il soit tremblant, inachevé ou limpide, chaque pas emporte une émotion, qui n’a ici pas besoin de technique pour être transmise. Elle atteint ainsi des sommets lorsqu’une danseuse, d’un âge certain, entonne une chanson de Dalida, accompagnée par le mince filet de musique qui sort de son portable. L’émotion qui se dégage de cette voix vacillante touche tout de suite au but. Dégagé des exigences de performances, d’harmonie, c’est la dissonance qui finit par émouvoir. L’exercice est poussé à son paroxysme lorsque la troupe doit suivre un des danseurs dans sa propre chorégraphie. Le sublime s’échange avec le burlesque. Jamais la danse a été aussi drôle.

En mettant en scène le simple désir de danser, Jérôme Bel interroge son propre art. Que signifie « savoir danser » lorsqu’autant d’émotions se dégagent d’une danseuse amatrice ? Ces danseurs ont en tout cas réussi à remplir la salle des Amandiers d’une ferveur rarement observée dans les spectacles de danse.

Gala 
Conception et mise en scène Jérôme Bel
Assistant à la mise en scène Maxime Kurvers

Avec (en alternance) Taous Abbas, Cédric Andrieux, Michèle Bargues, Ryo Bel, Coralie Bernard, La Bourette, Vassia Chavaroche, Houda Daoudi, Raphaëlle Delaunay, Diola Djiba, Shadé Djiba, Sheila Donovan, Nicole Dufaure, Chiara Gallerani, Nicolas Garsault, Lola Gianina, Stéphanie Gomes, Marie-Yolette Jura, Salvador Kamoun, Akira Lee, Aldo Lee, Françoise Legardinier, Magali Saby, Oliviane Sarazin, Frédéric Seguette, Marceline Wegrowe et Shuntaro Yoshida

Du 17 au 21 septembre 2015

Théâtre des Amandiers
7, avenue Pablo Picasso – 92022 Nanterre Cedex
Réservations 01 46 14 70 00
www.nanterre-amandiers.com

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