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Formica, d’après Fabcaro, mise en scène Amélie Etasse et Clément Séjourné à la Comédie Odéon, Lyon

Juin 22, 2023 | Commentaires fermés sur Formica, d’après Fabcaro, mise en scène Amélie Etasse et Clément Séjourné à la Comédie Odéon, Lyon

ƒ article de Victoria Fourel

Dimanche midi. Le déjeuner. Le poulet rôti. Vous avez fait bonne route ? Il est bon le vin. Une certaine idée de l’enfer. Fabcaro, comme souvent, fonce droit dans tous nos lieux communs et notre peur du vide dans une BD trash et très drôle. Les adaptations de son œuvre, au cinéma et au théâtre notamment, sont en train de pousser dans tous les coins de salles. Amélie Etasse et Clément Séjourné en propose une avec un plaisir non dissimulé, en rodage à Lyon avant Avignon.

Visuellement, le décor est ingénieusement planté. Un intérieur terriblement ordinaire en forme de mosaïque, un enchevêtrement de bordel de classe moyenne coloré. Un arrière-plan à tiroirs et à surprises, avec apparitions, et portes dérobées. Les costumes tranchés et flashy s’ajoutent à ce pavillon de banlieue au-delà de l’étrange. C’est beau, c’est clinquant, c’est malin, et c’est le plus gros atout de cette mise en scène. Ce cadre, entre les Deschiens et Wisteria Lane, sert le spectacle et les différents endroits de la BD, jusqu’à l’avion et son équipage loufoque qui surprend tant dans l’œuvre originale.

Le problème, quand on adapte la BD, c’est le hors-champ. Ce que permet le cinéma n’est plus possible sur scène. Ce qui joue sur le non-dit et le suggéré ne fonctionne plus, forçant parfois à sur-expliquer l’humour. Le texte adapté se sent même parfois obligé d’appuyer certains propos, donnant des vraies longueurs à des scènes beaucoup plus essentialisées dans le texte original. De même, certains traits sont forcés, des caractères amplifiés pour rendre les personnages plus théâtraux là où, justement, ils sont excessivement ordinaires.

La distribution est juste et dans la bonne énergie malgré des inégalités de jeu. On se demande si cela peut être dû au fait de mettre en scène tout en étant au plateau, concernant deux des comédiens. Exercice difficile que de garder un œil de directeur d’acteurs tout en étant en jeu. Pour autant, même si le spectacle est en rodage et que cela se sent dans le rythme, l’intensité va plutôt dans le bon sens, montant sans cesse avec quelque chose de jouissif pour le public comme pour les acteurs. Porté par son texte absolument parfait et grossier, la tragédie en trois actes va de macédoine en galette bon marché et se tient plutôt bien.

On ne peut s’empêcher de regretter le choix de mise en scène des parodies télévisées un peu omniprésentes, imaginées pour expliquer quelques passages de la bande-dessinée, mais qui n’apportent pas grand-chose, faisant même baisser un peu le niveau du spectacle, en essayant d’ajouter du Fabcaro au Fabcaro. En vérité, la pièce pourrait davantage jouer sur le malaise, le vrai, celui qui doit nous saisir quand la comédie nous met le nez dans nos travers. S’appuyer davantage sur les silences, les regards. Bref, le tragique caché sous les toiles cirées. C’est la vraie difficulté de ce genre d’écriture : très drôle, riche, absurde, violente, et vraiment résistante à l’adaptation parfaite.