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Fix me, conception et chorégraphie d’Alban Richard, Chaillot-Théâtre national de la danse

Jan 31, 2019 | Commentaires fermés sur Fix me, conception et chorégraphie d’Alban Richard, Chaillot-Théâtre national de la danse

 

© Agathe Poupeney

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Alban Richard et Arnaud Rebotini, une association explosive, de belles étincelles. Après le corps poétique, l’amour courtois, place au corps politique et communautaire. Alban Richard avance toujours plus loin dans sa recherche d’un corps devenu signe, se substituant au discours proféré. Ici la séduction amoureuse de Nombrer les étoiles, le fin’amor, fait place à la force de conviction du discours, celui des prêcheurs évangélistes, des politiques ou encore des chansons de hip hop féministes. Un corps qui se plie au discours, à son contenu, l’épouse, le renforce, l’efface, développe une rhétorique gestuelle, un lexique propre à séduire, entre clichés et stéréotypes. Des prêches, nous ne saisissons rien. Seuls les quatre interprètes les entendent et traduisent physiquement, mettent en jeu, le contenu et ses inflexions comminatoires. Un corps donc mis en avant, objet et sujet de séduction et de persuasion et qui participe d’un engagement absolu et ferme, d’un processus dans la volonté de convaincre. C’est à ce métalangage, ce discours en creux, propre à la danse, aussi, à ces gestes-là, ces mouvements, ce vocabulaire particulier et spécifique qu’Alban Richard s’intéresse et répertorie avec minutie, dont il s’empare à bras-le-corps et développe jusqu’à effacer volontairement la parole et libérer, dénoncer le corps devenu à son tour exhortation. Loin de l’abstraction toute relative et toute de douceur épineuse de Nombrer les étoiles, cette danse-là est profondément physique et tonique, percutante. Motivée par l’argumentaire et la conviction qui lui donne son impulsion elle dépasse le simple fait organique ou mécanique. Parfois même elle se permet d’être absente et le corps soudain juste en présence, juste là, posé, hanté simplement d’un discours et d’une parole pour nous absente et devenue inutile, vous frappe de plein fouet par sa force, son attraction, sa séduction. Point de mire, le corps devient en ce sens performatif. Il devient signe. Je suis, j’affirme ce que j’énonce, mon corps annonce, dénonce. Fix me, regarde-moi, le choix du titre ne relève en rien du hasard. Alban Richard n’hésite pas à épuiser le mouvement, le vider de sa substance pour n’en donner que l’essence et mettre à nu ce qui le soutend, cette volonté sèche de convaincre, dérouler un argument, ou de décliner une identité. Une identité qui participe à un engagement, une affirmation de soi. On rejoint les mouvements religieux mais aussi communautaires, où le corps devient un étendard flottant qui détermine l’individu, le définit, sur lequel se fixe un corpus de signes exhaussés par la volonté, la rage de convaincre, d’être en parfaite adéquation à ce qui est proféré. Et s’interrogeant de même sur l’interaction entre musique et danse il fait appel à Arnaud Rebotini, présent sur le plateau, dont la partition électro d’une force inouïe mais toute de nuance, s’appuyant sur les prêches, la scansion du hip hop, mixés et dont il épouse le rythme oratoire et syncopé avant que les synthés et boîtes à rythmes ne prennent le relais pour une partition énergique et hypnotique qui va crescendo et nous traîne après elle sans que nous résistions. Ce choix n’est pas un hasard tant l’électro, la techno se revendique aussi de certaines communautés et met le corps dans une disposition, une réceptivité qui le dévoile, le pousse dans ses retranchements, le met à nu dans sa particularité. Cette musique-là, comme le hip-hop dont il fait aussi référence, participe du politique dans l’affirmation de soi, porteuse de revendications, voire de rebellions, au sein de la société et signe de certaines communautés, queer entre autre. Alban Richard et Arnaud Rebotini font se rejoindre logiquement cette particularité revendicative. Il ne s’agit plus de prêche ou de féminisme, de religion ou de hip hop, mais plus généralement et dépassant cela du processus même de conviction et de revendication, d’éloquence, qui n’est pas rhétorique, désormais pris ici en charge par la danse, le corps et la musique. Ainsi la musique devient constitutive de la danse comme cette dernière devient constitutive de la première. Encore une fois Alban Richard atteint un point d’équilibre parfait entre ces deux partitions, point auquel se joint une démarche commune dans l’analyse des processus physiques engagés qui définissent, affirment et trahissent parfois un discours avec comme épicentre, exultant voire triomphant, le corps, vecteur et générateur d’une  pensée en action, d’une affirmation de soi. Vibratoire, énergique, électrique, Fix me est un vrai shoot d’adrénaline brute auquel très vite on est accro.

 

© Agathe Poupeney

 

Fix me, conception et chorégraphie Alban Richard

Musique originale et interprétation live Arnaud Rebotini

Lumières Jan Fedinger

Son Vanessa Court

Dramaturgie Anne Kersting

Assistant chorégraphique Daphnée Mauger

Conseil en analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé Nathalie Schulmann

Costumes Fanny Brouste

Danseurs stagiaires Elsa Dumontel et Pierre Ronddepierre

Crée et interprété par Aina Alegre, Mélanie Cholet, Max Fossati, Asha Thomas

 

Du 29 janvier au 2 février 2019

19h45 mardi 29 et mercredi 30 janvier

20h30 jeudi 31 janvier

 

19h45 vendredi 1er février

15h30 samedi 2 février

 

 

Chaillot-Théâtre national de la danse

1, place du Trocadéro

75116 Paris

 

Réservations 01 53 65 30 00

www.theatre-chaillot.fr

 

Tournée
26 mars 2019 Opéra de Rouen Normandie
2 avril 2019 Le Volcan, scène nationale du Havre
6 avril 2019 Théâtre Louis Aragon, scène conventionnée danse, Trembley-en- France avec le 104-Paris, festival Séquence danse
18 avril 2019 Maison de la Musique, Nanterre
14 juin 2019 CNDC-centre national de danse contemporaine, Angers

 

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