À l'affiche, Critiques // Five days in March, texte et mise en scène de Toshiki Okada, Centre Georges Pompidou, Festival d’Automne à Paris

Five days in March, texte et mise en scène de Toshiki Okada, Centre Georges Pompidou, Festival d’Automne à Paris

Oct 19, 2018 | Commentaires fermés sur Five days in March, texte et mise en scène de Toshiki Okada, Centre Georges Pompidou, Festival d’Automne à Paris

© Misako Shimizu

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

 

Cinq jours dans la vie de jeunes tokyoïtes, cinq jours qui précédent l’entrée en guerre des Etats-Unis prêt à bombarder l’Irak… Le quotidien d’adolescents plus préoccupés d’eux-même que de ce conflit qui les laisse indifférents. Des journées banales, une histoire de sexe dans un Love Hôtel à ne faire que baiser le temps que leur permet leur budget soit quatre nuits et cinq jours, acheter trois douzaines de préservatifs, manger. C’est un récit diffracté conté par sept comédiens, endossant chacun leur tour un personnage, épousant alternativement le point de vue de la fille et du garçon. C’est un récit qui tourne en boucle, sans cesse recommencé, complété, enrichi à chaque fois de quelques détails. Le temps lui-même est concassé, reflet de ces cinq jours quelque peu flous pour qui perd la notion du temps, enfermés dans ces capsules propres d’un Love Hôtel. Et tout cela raconté sans impudeur et sans une once de vulgarité. Mécanique, tristouille, la chair est triste. Pas de détail sur l’acte en lui-même mais sur ce qu’il noue et dénoue entre ces deux qui ne se connaissent pas et repartiront chacun de leur côté après avoir partagé la note. Une banalité, une trivialité et une apathie générale qui détonnent et surtout explosent par la structure de ce récit s’enroulant sur lui-même, révélatrice d’une vacuité, d’une superficialité de ces jeunes japonais alors qu’éclate la guerre en Irak. Mais ce qui fait la particularité de cette mise en scène, originalité propre à Toshiki Okada, c’est l’appréhension particulière des corps. Leur étrange et fascinante désarticulation, loin de tout réalisme. Une chorégraphie troublante où s’exprime l’embarras de soi des adolescents, la pudeur, le malaise devant les corps qui se forment, les sentiments à exprimer. Postures empruntées, appuyées jusqu’aux limites, gestes disjoints, mouvements désynchronisés. Et une façon d’être sur le plateau, d’y entrer, d’en sortir, de se planter devant le public et de le happer, de le prendre à témoin, sans effet aucun, jamais, cette façon-là est unique. Cette étrange désarticulation volontaire accompagne le récit, entre en résonnance ou dissonance avec ce qui est conté. Un récit en creux. De la guerre en Irak il est à peine fait mention dans l’exposé des faits de ces jeunes adolescents. Un repère dans le temps pour le couple et la manifestation contre cette guerre évoquée dans le récit ne marque aucunement un engagement réel. Et c’est cela, ce désengagement, cette indifférence noyée dans la banalité, que Toshiki Okada, par cette juxtaposition entre un quotidien sans intérêt dont il augmente la réalité par la structure du récit et un événement historique passé au second plan, rend plus aigu et sensible. Reprendre cette pièce aujourd’hui, créée en 2004, n’a dans le contexte politique actuel, que plus d’acuité.

 

© Misako Shimizu

 

 

Five days in March, texte et mise en scène Toshiki Okada

Décors Torafu Architects

Avec Chieko Asakura, Riki Ishikura, Yuri Itabashi, Ayaka Shibutani, Ayaka Nakama, Leon Kou Yonekawa, Manami Watanabe

 

Du 17 au 20 octobre 2018 à 20h30

 

Centre Georges Pompidou

Place Georges Pompidou

75004 Paris

 

Réservations 01 44 78 12 33

www.centrepompidou.fr

 

Festival d’automne à Paris

Réservations 01 53 45 17 17

www.festival-automne.com

 

 

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