À l'affiche, Critiques // Fée, de et avec Fred Tousch, Théâtre de Belleville

Fée, de et avec Fred Tousch, Théâtre de Belleville

Oct 04, 2019 | Commentaires fermés sur Fée, de et avec Fred Tousch, Théâtre de Belleville

 

© Philippe Cibille

 

 

ƒ article de Denis Sanglard

Drôle de fée. Pas exactement ce à quoi on pourrait s’attendre. En tous cas bien loin de la fée des Lilas incarnée par Delphine Seyrig. Très loin même. Celle qui, à ses dire, ne mesure et ne pèse en réalité dans son univers, que l’équivalent d’une barrette de shit, la voilà plantée sur ce plateau, en rade. Son Albatros, Polystyrène, a blessé son aile, l’obligeant en attendant réparation à se poser. La fée Cristalline du pays des myrtilles, toute de bleue vêtue, bottes incluses, propose donc de mettre sa baguette magique à notre service. Faire apparaître du carrelage, éloigner les dragons, la frousse qui nous taraude tous, supprimer la pauvreté, les problèmes du monde en général et en particulier. Vaste programme. En gros et pour résumer, faire ressurgir nos utopies, retrouver notre humanisme perdu. Pas gagnée cette affaire. Mais la fée Cristalline a plus d’un tour dans sa perruque, convoquant notre imaginaire, capable elle, la fée, de faire surgir dans la paume de sa main le Mont-Saint-Michel, restaurant de la Mère Poulard et Parking de bus inclus. Une biche à trois pattes aussi. De nous embarquer au Vahalla, pour une chasse au Pangolin en compagnie de vikings. Et même de transformer la salle en public de chatons miaulant. Pour un peu on mangerait des croquettes. Fortiche ! Avec ça une analyse pertinente de notre économie, des rapports de domination et de classe. Prenant pour exemple l’affaire Cendrillon. Que croyez-vous qu’une robe haute couture puisse coûter ? Surtout avec l’exploitation de mulots pour la fabrication, le temps à les former et tout ça. Et pour les acquis sociaux, on repassera. D’ailleurs Cendrillon et le Père Noël c’est du pareil au même, question exploitation de la masse salariale, souris ou elfes, c’est kif-kif bourricot… Il existe bien une formule pour pallier tout ça, à nos utopies envolées, notre humanisme en lambeaux, la fée Cristalline est là pour ça. Seulement voilà…

Bon on ne va pas tout conter de ce spectacle quelque peu foutraque et déjanté. À se demander si c’est du lard ou du cochon. Les avis sont d’ailleurs partagés. Il y a ceux qui crieront au génie et d’autre à la fumisterie. Rien que ça, c’est bon signe. La fée Cristalline a une drôle de touche, certes. Celle de Fred Tousch plus précisément, un sacré énergumène celui-là. Hurluberlu qui, engoncé dans cette robe bleue de fée, ailes dans le dos, lunettes sur le nez, transgressant le genre nous crée un personnage aussi zarbi que lui sans doute, quelque peu punk sur les bords, voire borderline. Mais sérieux comme un clown, caustique et pince sans rire, les fées ne rient jamais apprend-on, Fred Tousch fait un constat du monde à sa façon. Ça ne va pas très bien ici-bas, notre imaginaire est en berne et la réalité morose. Alors mieux vaut en rire. Autant apporter un peu de magie dans tout ça. C’est complétement déjanté, absurde. Abracadabrantesque même. Au risque assumé de faire Pschitt ! Avouant quand même frôler le ridicule mais celui-ci ne tuant pas… tout est permis. Quelque peu sur leur garde au début, voire effarés, ça part dans tous les sens il est vrai, les spectateurs finissent par suivre le mouvement et bientôt n’hésitent pas, à leur tour, à franchir l’inframonde. Non, votre chroniqueur n’a avalé ni bu aucune substance illicite. Mais Fred Tousch est comme ces gosses armés d’une simple baguette de bois et du si magique de l’enfance et du théâtre, c’est du pareil au même, qui croit dur comme fer que les fées peuvent faire rire à défaut de rire elle-même. Et de vous balancer quelques vérités en passant, l’air de rien, comme on jette de la poudre de perlimpinpin. Capable de vous embarquer dans son univers par sa gouaille, cette façon sans façon de vous alpaguer et, oui, d’ouvrir votre imaginaire comme on ouvre une boîte de conserve récalcitrante. La preuve, j’ai cru voir le Mont-Saint-Michel.

 

© Philippe Cibille

 

 

Fée de et avec Fred Toush

Collaboration artistique Martin Petit-Guillot

Musique Hubert Delgrange

Costume Sophie Deck

Décor Fabrice Deperrois

 

Du 3 octobre au 29 décembre 2019

Du mercredi au samedi à 19 h 15, le dimanche à 15 h

 

Théâtre de Belleville

94 rue du Faubourg du Temple

75011 Paris

 

Réservation 01 48 06 72 34

www.theatredebelleville.com

 

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed