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Faustus in Africa, mise en scène de William Kentridge, dans le cadre du Festival d’Automne 2025, au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt, à Paris

Sep 15, 2025 | Commentaires fermés sur Faustus in Africa, mise en scène de William Kentridge, dans le cadre du Festival d’Automne 2025, au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt, à Paris

 

© Fiona-MacPherson

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

Faustus in Africa, d’après le texte de Goethe, caracole en anglais surtitré plus vite que nous, d’un souffle parfois amphigourique, avec des images éblouissantes. William Kendridge s’inscrit dans une lignée d’artistes qui, de Léonard de Vinci à David Hockney maîtrisent toutes les formes d’expression, du dessin à la vidéo et à la musique, des marionnettes à la mise en scène théâtrale.

Faust, un homme épris de connaissance transcendante est accablé par le caractère vain de tout son savoir. Il signe alors un pacte avec Méphistophélès. Celui-ci promet de l’initier aux jouissances terrestres, en échange de quoi, Faust s’engage à lui livrer son âme quand il passera l’arme à gauche. Dès lors le récit s’envole, Faust rajeuni par une plasticienne hors pair, sorcière de son état, se livre aux plaisirs de la chair sans trouver de satisfaction, chasse, tue, fait marcher la planche à billets pour combler ses dettes, séduit, engrosse et abandonne une jeune femme vertueuse, jouit sans entraves, un long voyage pour rien, ce qu’on appelle « avoir vécu ».

William Kendridge transpose le récit au cœur de l’Afrique, en 1995, à la fin de l’apartheid et crée une œuvre virtuose au fil d’un rodéo macabre, coloré et musical, le spectateur vit une expérience sensorielle unique. Au-delà d’une critique féroce du colonialisme et d’un capitalisme prédateur, la combinaison des acteurs, des marionnettes, des dessins au fusain animés et de la bande son nous projette au cœur de la pulsion de mort décrite par Freud, une jouissance morbide qui avale tout. « Le pape ? combien de divisions », disait Staline. Dans Faustus in Africa des généraux fantoches exécutent des parades grotesques, massacrent, pillent. Méphistophélès, démon intellectuel redoutable, leur procure l’illusion de tout comprendre et de tout dominer. William Kendridge a l’idée géniale de faire interpréter par un comédien le rôle de Satan, le véritable manipulateur des marionnettes à l’effigie de dictateurs célèbres, (Mobutu, Bokassa notamment) en meneur de revue à l’américaine avec clin d’œil à la salle. On pense à Cabaret de Bob Fosse où les chansons et les danses ponctuaient la montée du national-socialisme. Il est facile de rapprocher ces pantins et les grands clowns actuels aux idéologies décomplexées et nauséabondes. Combien de couleuvres avons-nous avalées avant de comprendre où voulait en venir Poutine ? À force de pactes foireux avec le diable, le mal court. La puissance plastique de William Kendridge, la stylisation de sa mise en scène, la précision des chorégraphies rappellent le travail du regretté Bob Wilson, en plus vibrionnant. Il invente une technique cinématographique très simple en apparence, consistant à réaliser un dessin au fusain noirci, à en retravailler certaines parties par des ajouts ou des effacements et à filmer image par image les modifications apportées. En résulte un petit film d’animation, projeté en fond de scène avec des dessins d’animaux, des avions inquiétants, des tablettes publicitaires et des cartes d’Afrique. Cet « Arte povera » poétique parle à tous, petits ou grands.

Le décor massif figure un amphithéâtre bibliothèque, temple du savoir, avec une paillasse où Cerbère à tête de hyène dépèce les cadavres et signe les contrats en lettre de sang. Lucifer s’ennuie et joue aux cartes pendant la nuit de Walpurgis, il prend un air patelin, une vraie entreprise de dédiabolisation, tandis qu’une fanfare surréaliste ponctue chaque séquence et que la liste des morts apparaît sur des cartons à l’écran.

Nous vivons une époque incroyable où l’humanité contemple sa fin prochaine dans une sorte de torpeur cataleptique. En nous offrant une plongée en nous-même, les marionnettes de Faustus in Africa nous mettent face à nos propres monstres. Par un effet de miroir déformant, le monstre sur la scène devient le monstre en nous. Dans une transe dévastatrice est célébré un théâtre de l’enfer d’où l’humour n’est pas exclu. Impressionnant !

 

© Fiona-MacPherson

 

Faustus in Africa, recréation de William Kentridge

Mise en scène : William Kentridge

Conception et direction des marionnettes : Adrian Kohler, Basil Jones, Tau Qwelane

Scénographie Adrian Kohler, William Kentridge (Handspring Puppet company)

Animation : William Kentridge

Costumes marionnettes : Hazel Maree, Hiltrud von Seidlitz, Phyllis Midlane

Effets spéciaux : Simon Dunckley

Conception des décors : Adrian Kohler

Construction des décors : Dean Pitman

Texte additionnel : Lesego Rampolokeng

Musique : James Phillips, Warrick Sony

Éclairage : Wesley France

Avec : Eben Genis, Atandwa Kani, Mongi Mthombeni, Wessel Pretorius, Asanda Rilityana, Buhle Stefane, Jennifer Stey

 

 

Du 11 au 19 septembre 2025

Dans le cadre du Festival d’Automne 2025  

Du lundi au vendredi à 20h, samedi à 15h et 20h, relâche le dimanche

En anglais surtitré en français

1h30

 

 

Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt

2, place du Châtelet

75004 Paris

 

Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

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