ƒƒƒ Article de Camille Scordia

Crédit Photo Véronique Lesperat Hequet

Jonathan vient d’avoir 30 ans. Célibataire, sans emploi et pas vraiment stable, il se laisse envahir par un sentiment de panique. Profite de l’appartement vide d’un ami parti en voyage, il s’isole du reste du monde. Replié sur lui-même, il ne répond ni aux appels de sa mère, ni aux sollicitations d’une femme à la voix suave qui frappe à sa porte. Mais son imagination remédie à sa solitude, donnant naissance à deux compagnons : un vieillard, George, et un gamin, Jimmy. Ne lui laissant aucun répit, ces deux personnages fictifs incarnent deux âges de la vie de Jonathan : l’un révolu, l’autre s’approchant à grands pas. Accaparé par eux, Jonathan doit faire face à leurs incessantes remontrances, se faisant l’écho de ses propres angoisses existentielles.

Fastoche estadapté du texte de l’auteur finlandais Laura Sillanpää. C’est un solo porté par un seul comédien marionnettiste qui incarne, à lui seul, trois personnages à la fois. Un exploit permis par la marionnette, forme dramaturgique qui ouvre de multiples possibilités de représentation. C’est à travers deux marionnettes portées – fabriquées par l’artiste Polina Borisova – que se matérialisent les projections mentales de Jonathan, Le vieillard et le gamin. En alternant des moments musicaux, avec un très bel accompagnement au piano de Guillaume Hunout et les chants de Pierre Tual, des gags burlesques et des scènes au registre plus mélancolique, Fastoche instaure un bel équilibre entre le drame et la comédie. Issu de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières, l’interprète marionnettiste Pierre Tual parvient à articuler manipulation, jeu et chant dans un même mouvement, fluide et naturel. Grâce aux moments musicaux, où il pose délicatement sa voix sur les notes mélancoliques du piano, une dynamique s’installe durant tout le spectacle. Alors que des longueurs auraient pu se faire ressentir, travers dans lequel un solo peut facilement tomber, la mise en scène construit un rythme enlevé, ne laissant jamais le spectateur s’ennuyer. Il ne décroche pas de l’illusion marionnettique qui s’impose à lui, principalement de par la qualité de la manipulation du comédien. Mais c’est aussi grâce à la crédibilité de son personnage, qui évite soigneusement les stéréotypes. Jonathan est une sorte d’anti-héros, d’homme ordinaire auquel le spectateur s’identifie très facilement : c’est le «  looser gentil » de qui on aimerait être l’ami, à l’image du héros de The Big Lebowski, naviguant entre l’enfance et l’âge adulte. Il permet d’approcher en finesse le thème de la maturité, de l’accomplissement personnel dans les sociétés occidentales. Il témoigne de ce que chacun y vit, à un moment ou à un autre, tiraillé entre l’affection et les exigences familiales, les pressions sociales et les voix discordantes du moi. Fastoche montre combien les arts de la marionnette sont sources de créativité, apportant un point de vue nouveau sur des sujets dans lesquels s’enlisent beaucoup de productions culturelles.

Fastoche
Texte & dramaturgie Laura Sillanpää
Mise en scène Pierre Tual et Yngvild Aspeli
Piano Guillaume Hunout
Construction marionnettes Polina Borisova
Scénographie Guillaume Hunout
Construction décor, création lumière et régie générale Guillaume Hunout
Création Son Karine Dumont,
Avec les voix de Sylvie Cellerier etVéronique Lespérat-Héquet
Complices Sylvie Baillon et Éric Goulouzelle
Graphisme Audrey Jamme

Avec Pierre Tual

Du 18 au 27 septembre
Au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières
Charleville-Mézières

et :
Du 30 septembre au 22 octobre 2015

Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette
73 rue Mouffetard – 75005 Paris
Réservation au 01 84 79 44 44
www.theatredelamarionnette.com

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