ƒƒƒ Article de Philippe Escalier

L’ex Première dame d’Argentine revit sur la scène du Poche Montparnasse grâce au texte de Stephan Druet interprété par Sebastiàn Galeota. Une indéniable réussite !

Janvier 1944, une actrice blonde d’origine modeste, rencontre le colonel Perón, secrétaire aux affaires sociales, lors d’une manifestation de bienfaisance organisée pour les victimes d’un tremblement de terre. Ils ne se quitteront plus. Evita Duarte, qui, dans une société patriarcale, cumulait les handicaps d’enfant naturel, issu d’un milieu modeste et de sexe féminin, réussit le prodige de parvenir, en 1946 au sommet du pouvoir. Là, elle va améliorer sensiblement la condition des femmes et des travailleurs, devenir l’icône d’une partie de l’Argentine, adorée des humbles, détestée par les membres de l’église et de l’oligarchie, avant de mourir, emportée par un cancer de l’utérus fulgurant en 1952. Trois ans plus tard, le général qui renversera son mari et qui craignait, comme la peste, le culte de sa mémoire par les classes laborieuses, prendra comme première décision de faire expatrier sa dépouille qui ne retrouvera sa terre natale qu’en 1974 lorsque le pouvoir en place échangera un espoir de paix civile contre le retour de son cercueil.

Stephan Druet, qui connait l’Argentine pour y avoir travaillé et vécu, a voulu dresser le portrait de celle dont le souvenir, toujours vivace, suscite encore un double sentiment d’admiration ou de haine. Son talent et sa sensibilité d’homme de théâtre lui ont permis de redonner vie à cette femme mythique avec tellement de force et d’originalité qu’il nous est permis de penser qu’il est probablement aussi proche de la vérité que beaucoup de spécialistes de l’Amérique latine. De fait, nous voyons sous nos yeux s’exprimer et vivre Evita Perón, plus vraie que nature, avec ses angoisses, ses passions, son ambition et son fameux langage qui n’avait rien de châtié. L’on adhère d’autant plus que Sebastiàn Galeota l’incarne à la perfection. Il est en permanence debout sur scène, enserré dans une énorme robe blanche, un peu comme Eva était prisonnière de son image et de ses origines. A travers lui, c’est elle qui parle, mais aussi son coiffeur, les grandes dames qui vitupèrent contre celle qui trahit la classe dominante et qui font écrire, au moment de sa mort, sur les murs de son palais « Vive le cancer ! ». Le comédien donne à la Passionaria toute sa dimension humaine, éclaire son souci des pauvres, des oubliés, de ceux qui appartiennent au milieu dont elle est issue, sans que l’on puisse dire si c’était par opportunisme ou réelle humanité. Seule certitude, il y avait en elle un puissant désir de revanche et elle servit de caution sociale à un régime avant tout militaire. Ses paroles, ses harangues sont illustrées par moments d’images d’archives projetées sur l’imposante robe blanche digne d’une impératrice. L’on assiste à un grand moment de théâtre venant dépeindre une personnalité hors du commun à coup d’informations multiples et de formules vitriolées. Loin de toute caricature, de toute sanctification ou diabolisation, ce texte vrai, authentique et riche nous est servi avec la force d’un acteur argentin au sommet de son art.

Evita : le destin fou d’Eva Perón
Texte et mise en scène de Stéphan Druet
Avec Sebastiàn Galeota
Costumes : Denis EVRARD
Perruque : Micki CHOMICKI
Maquillage Jordy MUAH PARIS
Lumières François LOISEAU

Durée 1 h 10

Théâtre de Poche-Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Du mardi mercredi et jeudi à 21 h
Relâche les 25 décembre, 1er, 9, 16 et 23 janvier 2020
www.theatredepoche-montparnasse.com
Renseignements et réservations : 01 45 44 50 21

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