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Eurydice, de Jean Anouilh, mise en scène par Emmanuel Gaury, Le Lucernaire, Paris

Mar 14, 2024 | Commentaires fermés sur Eurydice, de Jean Anouilh, mise en scène par Emmanuel Gaury, Le Lucernaire, Paris

 

© Studio Vanssay

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Ah, comment dire… Eurydice… Jean Anouilh… du théâtre au théâtre, du bonheur double ? Oui, et en plus nous sortons, sans doute aucun, vivants de ce spectacle mis en scène avec talent, simplicité et efficacité par Emmanuel Gaury. Chaque personnage semble s’être évacué « pour de vrai » de ces pages pourquoi pas sombres ici où là, ou au contraire chargées de lumière, d’humour léger, allez savoir. Eurydice, une troupe de comédien, le chef et sa femme, la très belle et jeune Eurydice. Des couples qui se font, défont, d’un seul coup, enroulés dans la peur et la sérénité, sinon est-ce un couple ? Le mal qui en ressort, les erreurs. Ici, Eurydice est assassinée et un fantôme bien costaud revient, là, pour de vrai, presque. Elle est morte « encore », il suffit juste qu’elle tienne le coup jusqu’au soir, sans regarder Orphée, vraiment, dans les yeux. Si elle y parvient, joie, bonheur et prospérité, leur bonheur sera offert vraiment, elle reviendra de ses limbes étranges qui l’ont laissé sortir un instant, pour voir ce que cela pouvait donner, l’amour. Les limbes savent s’amuser et ne ratent aucune occasion de faire parler d’elles, de contempler joyeusement ces petites choses étranges, les vivants, se rouler idiotement à leurs pieds. Les limbes et leurs pieds… Ils sont vraiment simplets ces humains.

Eurydice est un texte simple, écrit en 1941 et dans lequel on évolue avec une facilité déconcertante, oui, mais qui justement fait un bien fou et après cette mise en scène d’Emmanuel Gaury, donne envie d’aller relire ou lire Anouilh, d’aller aussi faire un petit tour à travers les mythes antiques, la musique, l’opéra, sans forcément chercher des liens entre les uns et les autres, mais se faire du bien. Avancer, approfondir, frémir, pleurer, en silence ou non. Eurydice d’Emmanuel Gaury donne toutes ces envies. La mise en scène semble écrire « pureté » puis la surligne en fluo. Nous avons devant nous une simplicité tenace, des scènes qui se suivent et se mettent en place devant nous, les mini changements de décor sont faits par les comédiens et comédiennes, sous une lumière tout simplement moins forte, et ils nous expliquent que là, nous sommes dans le salon, qu’ici, certainement, nous serons cachés et qu’Orphée et Eurydice, les nouveaux, ne nous apercevront pas, si tout se passe bien. Ils sont tellement emportés qu’il n’y a aucune raison qu’ils jettent un œil vers nous, Eurydice ferait mieux d’ailleurs, elle essaie un instant puis n’avance pas plus loin, cesse, heureusement encore, et une dernière fois le regard glisse et se perd. Dommage. Pour elle. Pour nous, c’est presque un cadeau. Désolé de l’avouer.

Cette équipe n’est ni comédiens ni comédiennes. Ce sont les vrais, rue Notre-Dame-des-Champs, nous avons Orphée et Eurydice, oui, le père d’Orphée, la mère d’Eurydice, le monde du théâtre, le bon dieu ou le diable, allez savoir… Ils se recherchent, se courent après, une fois trouvés se battent, se tuent, s’enfuient, rebondissent. Ils sont aussi à la terrasse d’un petit café et se posent mille questions. Menu ou plat seul ? Café avec ou sans sucre… La vie est bien difficile, vraiment. Comment savoir vers quel chemin s’avancer. Où est la simplicité, l’amour existe-t-il ? Oui, bien-sûr, mais l’ont-ils trouvé elles et eux ? Et une fois trouvé, faut-il le garder bien au chaud ou bien tout secouer suffisamment fort pour que tout s’écroule ? Le bonheur, la vérité, ça fait mal, non ? Orphée et Eurydice n’ont pas de chance, ils se trouvent d’un seul coup d’un seul, loin de la version « on réfléchit, hésite et pleure pendant des heures ». Là, c’est beaucoup plus simple, tout tombe au mauvais moment, oui, et hop ! le vent a tourné, sans prévenir personne. Joie, force et cendres. C’est la vie en quelque sorte. Eux ne le savaient pas et nous faisions semblant de ne pas y penser, jamais. Alors Anouilh s’est dit qu’il allait tenter de faire quelque chose pour nous avec Eurydice. Emmanuel Gaury suit l’exemple et nous fait du bien. Pas complètement, pas seulement, mais n’est-ce pas une preuve de très efficace talent ? Aucun doute, ici.

Petit détail, certains rôles sont en alternance l’envie est immense de venir ressentir comment évoluent ces personnages, comment seront les doutes, les sourires et la mort, vraie ou fausse. La curiosité est grande oui, et les remerciements sont soufflés à travers les applaudissements, pour de vrai !

 

 © Studio Vanssay

  

Eurydice, de Jean Anouilh

Mise en scène par Emmanuel Gaury

Musique : Mathieu Rannou

Lumières : Dan Imbert

Costumes : Guenièvre Lafarge

 

Avec :

Bérénice Boccara (Eurydice en alternance)

Lou Lefèvre (Eurydice en alternance)

Gaspard Cuillé (Orphée)

Benjamin Romieux (Monsieur Henri)

Corinne Zarzavatdjian (la mère d’Eurydice)

Jérôme Godgrand (le père d’Orphée, le chauffeur de car)

Maxime Bentégeat ou Victor O’Byrne ou Pierre Sorais (le garçon de café, Mathias, le garçon d’hôtel, le petit régisseur, le secrétaire du commissaire de police, en alternance)

 

Du 13 mars au 5 mai 2024

A 18h30 du mardi au samedi

A 15h le dimanche

Durée du spectacle : 1h10

 

Eligible aux Molières 2024

 

Le Lucernaire

53, rue Notre-Dame-des-Champs

75006 Paris

 

Réservation : 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr

 

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