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Escape game, Pourquoi je n’ai pas porté plainte, texte, mise en scène, jeu, Thissa d’Avila Bensalah, au théâtre Dunois

Nov 28, 2019 | Commentaires fermés sur Escape game, Pourquoi je n’ai pas porté plainte, texte, mise en scène, jeu, Thissa d’Avila Bensalah, au théâtre Dunois

 

© Mathieu de France

 

ƒ article de Marta Plou

Escape game, Pourquoi je n’ai pas porté plainte est une porte de sortie à une impasse personnelle, réponse face à la violence et à l’injonction de se taire, une pièce au lieu d’un dépôt de plainte donc. Un monologue, accompagné par une bande-son, deux musiciennes sur le plateau et des projections vidéo en fond de scène, déroule une lettre fictive adressée par Thissa d’Avila Bensalah, la comédienne, metteure en scène et auteure jouant son propre personnage, à Idir, absent, le lycéen rencontré lors d’une série d’ateliers artistiques. Une « bouteille à la mer », dit-elle, pour continuer un dialogue devenu impossible mais nécessaire.

Idir, jeune des quartiers, est un petit dur et une victime, violé par son grand frère dans la fragilité de l’enfance, pris dans l’engrenage de l’aliénation et de la violence. Il a brisé son carcan de silence lors de l’intervention artistique de la compagnie DE(S)AMORCE(S) dans son lycée, miracle et justification s’il en est du travail, accrochant aux « amorces » artistiques et à l’oreille tendue. Sa parole sera exemplaire de la force libératrice de la création… et de ses limites. Car la dureté de la réalité rejoint les protagonistes et repousse le théâtre vers un lieu utopique : Idir reste sous l’emprise, se rétracte vers la haine, s’aveugle à sa propre vérité et profère des menaces de mort contre l’artiste. Les proportions psychologiques et la dimension pénale se révélant, le relais doit passer aux institutions adéquates — assistantes sociales, juges, police —, ça échoue. La pièce dénonce fortement les disfonctionnements de la coopération de ces acteurs, leur mépris, voire leur incompétence. L’art et le dialogue sont congédiés, pourtant cette lettre parlée-chantée est bien une réponse proférée. Ce que nous dit ici Thissa d’Avila Bensalah, dans cette pièce où la parole performe sa propre renaissance, c’est l’incroyable degré de résilience de ce lieu autre. Le silence sera impossible. Un renversement inattendu balaie l’impuissance et le fatalisme social au profit de l’espoir et de l’amour de la vie : tout comme ressurgit pour Thissa le théâtre, ressurgissent pour Idir les mots que le clan voulait étouffer.

Une intention sincère et fondamentale, un geste personnel qui ose chercher sa propre forme ; un résultat peu convainquant. ça arrive mais c’est aussi un mérite. Le point le plus faible est sans doute le texte lui-même dont le ton hésite, plutôt qu’il ne navigue, entre émotion et distance, engagement et retenue bienséante. Les mots ont peine à percer et à se faire entendre, noyés dans une prosodie lourde, des rimes attendues et lancinantes et (pourquoi ?) dans la phraséologie bien-pensante issue tout à la fois du manuel de l’éducateur bienveillant et des programmes-cadres institutionnels, ceux par exemple des « interventions artistiques ». Cela se voudrait-il une distanciation permettant d’élargir le prisme, de l’histoire personnelle vers le fait de société ? Elle est si plaquée qu’on ne sait qu’en faire. De même, il y a une ambivalence non assumée du rôle de l’artiste intervenante, adulte et mature mais avec un cœur et une voix aux accents adolescents. C’est pourtant peut-être l’endroit le plus touchant, là où les deux personnages principaux, Thissa parlante et Idir absent, se rencontrent, dans un amour en creux et une admiration réciproque omniprésente qui réussit à ne jamais dire son nom. Cet espace, pourtant alimenté par la partie non textuelle — les sons, la musique, la vidéo du petit garçon et de la petite fille jouant dans le parc et vivant leurs émotions, qui accompagnent le spectateur d’un bout à l’autre —, est resté timide et les chansons, où le récit cède la place à une parole à la première personne, trop en façade — parade ? Cela, alors même qu’il faut reconnaître à Escape game un engagement politique rafraîchissant, à l’écoute de la beauté « invisibilisée » des individus, portant au centre de la scène, à la matrice, les écrits, les dessins et les voix des lycéens rencontrés ; un processus qui reconnaît non seulement les destinataires mais aussi la démarche elle-même de l’intervention artistique. Sur le thème « comment le patriarcat traverse nos vies », un grand merci au propos qui ne se révèle ni marchand, ni larmoyant, ni simpliste, ni réducteur, ne serait-ce qu’en prenant pour sujet la violence faite aux… hommes !

 

© Didier Léglise

 

 

Escape game, pourquoi je n’ai pas porté plainte, de Thissa d’Avila Bensalah

Texte, mise en scène et jeu Thissa d’Avila Bensalah

Musique La Louise, Pauline Gardel

Création musicale Thissa d’Avila Bensalah, Gisèle Pape et La Louise

Création graphique et vidéo Camille Sauvage

Création sonore, images additionnelles, régie son et vidéo Didier Léglise

Lumières Thissa d’Avila Bensalah

Scénographie Marius Strasser

Collaboration artistique Ysmahane Yaqini

Costumes Marta Rossi

Régie générale Gaëtan Thierry

 

 

Du 23 au 30 novembre 2019

Samedi 23 à 19 h

Dimanche 24 à 16 h

Lundi 25 à 19 h

Jeudi 28 à 19 h

Vendredi 29 et samedi 30 à 20 h

Scolaires : mardi 26 et jeudi 28 à 14 h 30

 

 

Durée 1 h

 

Théâtre Dunois
7 rue Louise Weiss

75013 Paris

 

Réservation: 01 45 84 72 00

www.theatredunois.org

 

 

Tournée

Les 16 janvier 2020 à 14 h 30 et 17 janvier 2020 à 20 h 30

Théâtre Louis Jouvet, Rethel

16 Place Hélène Cyminski

08300 Rethel

Réservations : 03 24 39 67 75

www.theatrelouisjouvet.fr

 

24 janvier 2020 à 20 h 30

Théâtre de Chelles

Place des Martyrs de Châteaubriant

77500 Chelles

Réservation : 01 64 210 210

www.theatredechelles.fr

 

31 janvier 2020 à 20 h

Théâtre de la Madeleine, Troyes

Rue Jules Lebocey

10000 Troyes

Réservation : 03 25 43 32 10

www.la-madeleine-troyes.fr

 

4 février 2020

Centre culturel Pablo Picasso, Homécourt

Place Général Leclerc

54310 Homécourt

Réservation : 03 82 22 27 12

www.ccpicasso.fr

 

 

 

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