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Entre les lignes, de Tiago Rodrigues et Tónan Quinto, Théâtre Athénée Louis-Jouvet

Déc 05, 2022 | Commentaires fermés sur Entre les lignes, de Tiago Rodrigues et Tónan Quinto, Théâtre Athénée Louis-Jouvet

 

© Mariano Barrientos

 

ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Entre les lignes est un jeu. Un jeu triangulaire, mais pas un jeu à trois. La relation est alternative. Entre le comédien et son auteur. Entre le comédien et son public. Entre l’auteur et son public. Et ce dernier doit accepter la proposition du premier pour en jouir. Car s’agit-il à proprement parler d’une pièce ou pas plutôt de son démontage ou de son montage possible. Un peu dans la veine de Sopro et By Heart mélangés. On assiste aux coulisses, aux préparatifs, à ce que l’on ni ne voit, ni ne sait habituellement. Dévoilement qui est lui-même un jeu évidemment, un mensonge d’auteur à public consentant qui est tout de même en train de voir la quatrième pièce de Tiago Rodrigues en trois mois sur trois scènes parisiennes différentes (après Dans la mesure de l’impossible aux Ateliers Berthier, Chœur des amants , et Catarine ou la beauté de tuer des fascistes aux Bouffes du Nord).

Cette pièce de Tiago Rodrigues, créée il y a près de dix ans à Lisbonne, permet ainsi de compléter la connaissance du public français de l’œuvre assez éclectique de l’auteur et metteur en scène portugais qui pourrait à la tête désormais de la direction du festival d’Avignon reproduire cette diversité de formes dramaturgiques, qui ne dépendent pas que de la pluralité linguistique.

Un comédien fidèle attend le texte d’un auteur, toujours en retard, qui ne parvient à écrire, avec difficulté, que lorsque la date (qu’il a en général lui-même fixée) est arrivée à son terme. En ce dernier trait, rien d’original. Nombre d’auteurs se reconnaitront sans peine. Car il ne s’agit pas de procrastination ou alors d’une procrastination féconde propre à tout travail de création. Plus inattendue en revanche est la relation que cela créé avec ses comédiens, en l’occurrence ici qu’un seul, puisque le projet est celui d’un monologue. Une relation d’attente, de désir et de peur. La peur que la pièce ne soit pas jouée si le texte n’existe pas, la peur de ne pas avoir le temps de le travailler s’il arrive trop tard. La situation et le jeu de Tónan Quinto sont si réalistes qu’on finit presque par se demander si les déboires narrés avec le Théâtre n’ont pas un soupçon de vérité puisqu’on ne trouve pas Entre les lignes dans le programme de la saison de l’Athénée. Mais c’est en fait parce que la toute petite salle du dernier étage Christian-Bérard procède par annonces trimestrielles des créations qui y sont jouées…

Comme dans By Heart, Entre les lignes enchâsse un récit assez personnel (Tiago Rodrigues n’est pas sur le plateau mais il est omniprésent) et factuel dans les fragments d’un texte d’un grand auteur (ici L’Œdipe Roi de Sophocle, mais aussi un court extrait de Don Quichotte de Cervantes), lui-même entrecoupé par une lettre d’un auteur anonyme – peut-être un détenu – à sa mère, la lettre écrite « entre les lignes » de Sophocle, à laquelle in fine s’ajouteront, manuscrites, les didascalies du vrai-faux dramaturge. Vertigineux et pas si facile à suivre et ce dès la première minute de la lecture en portugais par Tónan Quinto, livre en main, des premiers extraits de L’Œdipe Roi dont la traduction s’affiche derrière lui. On a failli se laisser tenter par sa proposition d’un café qu’il se fait couler et boit devant nous avant d’enchaîner. Le montage des trois niveaux de textes devient de plus en plus ardu à suivre mais prend peu à peu du sens dans son montage final (comme dans le texte inédit Trois doigts au-dessus du genou partiellement lu à l’Odéon le 10 octobre dernier, compilation toutefois d’un seul niveau de textes).

Comme par un ultime pied de nez du comédien et de son auteur, le public est sollicité pour assurer la dernière lecture et repart un peu étonné avec le texte Entre les lignes (imprimé et broché) distribué par le comédien comme un professeur à ses élèves les sommant de se rendre à la page 25, c’est-à-dire la dernière. C’est une toute autre manière que celles très théoriques de Stanislavski, Brecht ou Jouvet de proposer une leçon d’un « art du comédien » et du spectateur. Une forme d’hommage aussi à Pirandello, peut-être…

 

© Mariano Barrientos

 

Entre les lignes, de Tiago Rodrigues

Création de Tiago Rodrigues et Tónan Quito

En français et portugais surtitré

Collaboration artistique : Magda Bizarro

Décor, lumière, costumes : Magda Bizarro, Tiago Rodrigues et Tónan Quito

Traduction française : Thomas Resendes

Direction technique : André Pato

Surtitres : Sónia De Almeida

Avec : Tónan Quito

 

Durée 1 h 20

Jusqu’au 17 décembre 2022, à 20 h 30

 

 

Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Salle Christian-Bérard

2-4 square de l’Opéra Louis-Jouvet

75009 Paris

www.athenee-theatre.com

En tournée en avril 2023 à Aix en Provence (Bois de l’Aune), à Toulouse (Théâtre Garonne), en mai à Creil (La Faïencerie)

 

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