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Encore plus, partout, tout le temps, une création de L’Avantage du doute, Théâtre de la Bastille

Mai 12, 2022 | Commentaires fermés sur Encore plus, partout, tout le temps, une création de L’Avantage du doute, Théâtre de la Bastille

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Voilà une création abrasive qui vous râpe salement et finit par vous gratter sévère. L’Avantage du doute interroge notre humanité en plein effondrement et comme à chaque fois soulève nos contradictions comme on soulève un lièvre de mars. Pas de réponse de leur part mais un inventaire à la Prévert où ne manque pas un ours blanc. Patriarcat, productivisme, capitalisme, esclavagisme, exploitation des femmes, féminisme, écologie… L’effondrement est partout qui se répercute jusque dans l’espace privé, intime. Et ce qu’il souligne là c’est combien tout cela est étroitement lié, comment tout se tient fermement, et que chaque solution, pragmatique ou utopique, se heurte toujours à ses propres limites et contradictions internes. Comme le résume magistralement l’un d’eux, « c’est la fin du monde et tout le monde regarde top chef ! ». Oui, c’est tragique, la maison brûle, et ce collectif en toge pour l’occasion, regarde les braises chaudes avec une lucidité imparable, faisant feu de tout bois idéologiques. Pas trash, non, mais cash sûrement. C’est d’un humour mordant et féroce, écrit finement d’une plume trempée dans le vitriol, qui vous balance ses quatre vérités sans s’embarrasser du politiquement correct. Mis en scène avec brio, loin d’être foutraque, tout est amené avec le plus grand naturel du monde. Avec ça, une autodérision, parce que toute réflexion ici part avant tout de l’expérience de ce collectif hors-norme. On le sait, parler de soi c’est aussi parler du monde. Et le théâtre ici est une étrange et formidable agora, pour preuves ces colonnes gréco-romaines tronquées et ces toges incongrues qui font de la scène un espace de débat, un banquet platonicien où le sérieux le dispute au dérapage contrôlé, voire même à la poésie surréaliste. Et si le public est muet, on ne parle pas des rires qui le secouent au long de cette création, il n’en est pas moins interpellé, passé à la question lui aussi.  Résumer le tout tient de la gageure tant l’ensemble est habilement troussé, joyeusement secoué, les sujets tissés, cousus entre eux sans fil blancs ni couture apparente. C’est drôle, de cet humour salvateur qui du pire donne le meilleur, fait passer la pilule amère qui n’est pas ici un placébo.

Tentons de résumer bravement cette création en allègre panique qui tire à bout portant, à bout touchant sur les maux d’une humanité en déroute anthropocène. Femmes au bord de la crise de nerf, au bord du burn-out, esclaves d’un patriarcat, écrasée d’une charge mentale jusque dans ses idéaux. Femmes fatales soumises aux injonctions de mâles soumis aux injonctions, eux aussi, du même patriarcat. Un Bernard en déroute genrée. Végan dépressif et entrecôte trop cuite. Ecolos en proie au doute. Ours polaire atteint de solastalgie. Trois Parques. Un arc. Enfants en révolte devant un avenir hypothéqué, tuant le père et pas que symboliquement. Passons, passons, passons. Rien du pensum pourtant, c’est encore une fois d’une alacrité inventive qui sauve de la pesanteur, mené tambour battant et grand sérieux dans la farce tragi-comique par ce collectif décapant et engagé, labélisé par nos soins d’utilité publique. Au sortir du théâtre de la Bastille, une envie furieuse de pousser un cri démange, celui-là même qu’il pousse en chœur à intervalle régulier, harmonieux et libérateur dit-il. Libérateur, c’est certain.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

Encore plus, partout, tout le temps une création de L’Avantage du doute

Avec Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas, Nadir Legrand, Maxence Tual

Scénographie : Kristelle Paré

Lumières : Mathilde Chamoux

Son : Isabelle Fuchs

Costumes : Marta Rossi

Accompagnement du travail vocal : Jean-Baptiste Veyret-Logerias

Régie générale : Jérôme Perez-Lopez

 

Durée 1 h 45

Du 9 au 27 mai 2022 à 20 h

Relâche les dimanches et le lundi 16 mai

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservations 01 43 57 42 14

 

 

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