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En finir avec leur histoire, texte et mise en scène de Marc Lainé à La Filature de Mulhouse

Fév 14, 2024 | Commentaires fermés sur En finir avec leur histoire, texte et mise en scène de Marc Lainé à La Filature de Mulhouse

 

© Simon Gosselin

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

Liliane et Paul, les amoureux de Nos paysages mineurs, se retrouvent en 1992 un peu vieillis mais toujours vivaces. Il a troqué son costume cravate pour un jeans, blouson en cuir et écharpe en lainage, la cigarette pour la pipe, encore craquant malgré un début de calvitie. Liliane a largué ses adorables mini robes vintages et ses escarpins pour un pantalon en denim, une chemise à carreaux, un duffle coat, des boots et n’a pas changé de coiffure.

Complètement has-been, Paul a perdu ses illusions intimes et politiques, un peu trop fasciné par sa propre personne, comme s’il n’arrivait pas à évoluer, à l’instar du héros de Georges Perec dans Un homme qui dort, roman qu’il lisait dans le train lorsqu’il a rencontré Liliane dans l’épisode précédent. Son sujet favori « l’amour au temps de la lutte des classes » ne fait plus recette, largué à la fois par son éditeur et sa jeune copine, il n’a plus un rond et passe son temps à se plaindre, irrésistible d’humour fin et d’autodérision.

Liliane, elle, est arrivée à se libérer du poids du passé, est devenue prof de philo et a conquis son indépendance. Femme blessée et mère célibataire, elle a refusé l’emprise de Paul, sacrifié ses rêves d’écriture pour élever leur fils dans les meilleures conditions possibles. Il la revoit et c’est comme si tout recommençait, il retombe raide dingue amoureux de cette inconnue qu’il connaît bien.

Au roulis du train succède la déambulation du couple côte à côte sur un tapis roulant face public, avec en arrière fond les rues de Paris qui défilent sur un écran de cinémascope. Un long travelling suit leur errance tandis que des images d’archives rappellent de glorieux souvenirs, Edmond Maire, Georges Séguy et l’ineffable Roger Gicquel.

Construite sur le mode d’une cure psychanalytique, avec ses accélérés, ses sur place, ses flash-back, la pièce a la douceur amère des héros divisés. Liliane aime Paul mais le rejette pour sa survie, Paul ne peut vivre sans Liliane mais court à sa perte comme aspiré par ses névroses. « Ta vie, c’est comme New York. Tu es une île repliée sur toi-même… » reproche Annie Hall à Woody Allen au moment de leur rupture dans le film éponyme. En finir avec leur histoire est une magnifique comédie sur le deuil d’un amour et ressemble à la confession décapante du champion de l’humour juif sur sa vie intime.  Les chansons arrivent comme des bouffées de vérité, fugaces et profondes, Liliane nous la joue comédie musicale, avec un numéro de claquettes digne de Vincente Minelli et danse sur le volcan de son amour perdu tandis que Paul, assis sur un banc, chantonne sur le violoncelle du fidèle Vincent Ségal. On aurait aimé que leur ultime baiser d’adieu, enlacés sous un réverbère, dure toute la vie, très beau plan séquence digne de Minuit à Paris.

Liliane se love dans la solitude tandis que Paul n’arrête pas de chuter, ils sont représentatifs d’une certaine génération ahurie face à un monde dans lequel elle ne se reconnaît pas, Marc Lainé a quelque chose du Steven Spielberg qui déclarait « Je ne suis jamais allé chez un psy, raconter des histoires est ma thérapie », il prête à Paul ce propos de Jacques Derrida « ce qu’on ne peut dire, il ne faut surtout pas le taire mais l’écrire ». Il parcourt la vie de ses parents sur plus de deux décennies, avant de les libérer et de les laisser vivre séparément, une belle preuve d’amour pour ses personnages comme une ode au cinéma, au jazz, au théâtre, à la vie mais surtout une ode à l’amour. Remarquable carnet de voyage musical !

 

© Christophe Raynaud-Delage 

En finir avec leur histoire, texte, scénographie et mise en scène de Marc Lainé

Musique : Vincent Ségal

Lumière : Kevin Briard

Son : Clément Rousseaux-Barthès

Vidéo : Baptiste Klein

Costumes : Dominique Fournier

Assistanat à la mise en scène : Antoine de Toffoli

 

Avec : Vladislav Galard, Adeline Guillot, Vincent Ségal, Antoine de Toffoli et trois caméras mécanisées

 

Durée : 1h15

Vu au Théâtre 71 de Malakoff

 

Du 14 au 16 février à La Filature, scène nationale de Mulhouse en diptyque avec Nos paysages mineurs

Du 15 au 16 mai au CDN Besançon Franche-Comté, en diptyque avec Nos paysages mineurs

 

Réservation à La Filature de Mulhouse :

T+03 89 36 28 28

billeterie@lafilature.org

 

Le texte est édité chez Actes Sud

 

 

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