© Pierre Grosbois
ƒƒƒ article de Sylvie Boursier
Gogo (Denis Lavant) et Didi (Jacques Bonnafé), s’aiment d’amour tendre mais comment s’y prendre quand on est… clodos. Le grand pue du bec, le petit des arpions, Vladimir a des soucis de prostate, souffre d’une envie quasi permanente de pisser, bouge continuellement, s’élance le nez au vent ; l’autre a mal aux pieds, tout le temps faim et sommeil, est un peu tassé. Quand le vertical croise l’horizontal, ils se tombent dans les bras et ça fait des grands smacks. Ils ne peuvent se détacher l’un de l’autre, un couple de théâtre, l’anxieux bougon, le raide volontaire. Comment en sont-ils arrivés là ? Attendront-ils Godot longtemps après le départ des spectateurs ? Comment pourraient-ils résister à la violence alentour représentée par le duo infernal Pozzo – Aurélien Recoing (terrifiant !) – et Lucky – Jean-François Lapalus (d’une poésie délicate dans un rôle quasi muet), l’un le maître et l’autre l’esclave.
Jacques Osinski a très justement soigné le concret jusque dans les détails. Estragon a des souliers cloutés qui font du bruit (ploc, ploc), Vladimir oublie de remonter sa braguette. Le couple est plein d’attentions l’un vis-à-vis de l’autre, se manifeste de la tendresse, seul ciment contre l’adversité. La direction d’acteurs lorgne du côté du cinéma muet, un cinéma du corps, visuel. Denis Lavant a quelque chose de l’acrobate Buster Keaton, toujours au bord de la chute, Jacques Bonnafé de Tati au jeu de jambes inénarrable, qui prend la tangente brusquement, tour à tour curieux et courtois envers ce monde qu’il domine de sa taille.
Qui attendre ? Avec qui attendre ? Pourquoi, comment attendre ? S’en aller ou rester ici ? Se pendre aujourd’hui ou attendre demain ? Pas de musique additionnelle juste le bruit des pas des acteurs, leurs soupirs, les suspensions et la partie de ping-pong de loosers magnifiques cochant toutes les cases sur l’échiquier de la mouise. Le bonheur d’être là, on décroche (2 heures 15 d’attente, c’est long) et on raccroche aussi sec, happés par cette histoire qui tourne en bourrique le langage et précipite la pensée, prise de vertige, dans le vide ! L’offrande de deux grands comédiens à Beckett et au public !
© Pierre Grosbois
En attendant Godot, de Samuel Beckett
Mise en scène : Jacques Osinski
Scénographie : Yann Chapotel
Costume : Sylvette Dequest
Lumière : Catherine Verheyde
Avec : Jacques Bonnaffé, Jean-François Lapalus, Denis Lavant, Aurélien Recoing
Jusqu’au 26 juillet 2025 à 21h
Relâche les 9, 16, 23 juillet 2025
Durée : 2h15
A partir de 15 ans
Théâtre des Halles
4, rue Noel Biret
84000 Avignon
Réservations : 04 32 76 24 51
contact@theatredeshalles.com
Tournée :
Le 27 juillet 2025, Festival de Figeac
Le 29 juillet 2025, Festival Beckett, Roussillon
25 mars au 3 mai 2026, Théâtre de l’Atelier, Paris
Printemps 2026 TAP, Scène nationale de Grand Poitiers
Automne 2026, Théâtre Montansier, Versailles
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