© Christophe Martin
ƒƒƒ article de Toulouse
La scène comme grand dance-floor. Ou plutôt ce qui pourraît s’apparenter à une salle des fêtes, aménagée pour l’occasion, ici un bal, qui laisse encore entrevoir au sol les démarcations d’un gymnase ou d’un stade de foot.
Un à un, chacun des danseurs font leur entrée sur la piste, rejoignent les traditionnelles et lugubres rangées de chaises qui se font face, dans l’espoir de les quitter vite pour être invité à danser. Mais la musique ne démarre pas. C’est alors dans le silence, comme par impulsion, que les danseurs laissent jaillir des brides de son, de chants en espagnols, des petits pas de danses et des mouvements syncopés. Chacun se laissent entraîner par ces vifs soubresauts, qui semblent traduire des fragments éclatés d’une fête que l’on comprend très vite aux couleurs de l’Argentine.
Les onze danseurs se font face, se jaugent, s’intimident, se séduisent, s’attirent et se repoussent comme la cadence incertaine d’un tango. C’est de ces élans que se déploie une grammaire chorégraphique singulière, terreau d’une dramaturgie surprenante, qui vient capter le bout et l’histoire d’un pays. On y sent à la fois la joie des barrio animés et l’humour latino lumineux et enveloppant, tout comme des braises encore chaudes et douloureuses d’années de dictature violente. Cela se traduit donc au plateau par un alliage intéressant d’univers très nuancés, mais également un éventail de danses métissées allant des danses folklorique latines, comme le tango, aux danses urbaines des quartiers. Le champ qui s’ouvre sous nos yeux et aussi et avant tout celui de la fête. Les corps se laissent puissamment traversés par la musique, on leur demande de lâcher toute idée de construction et d’esthétisme, et simplement d’être le roi de la piste quitte à être un peu ridicule. Une belle leçon de folie et de radicalité, dans laquelle se dégage de la danse une théâtralité qui nous échappe, mais qui dit et raconte beaucoup sur chacun de ces remarquables interprètes avec qui nous avons le plaisir de passer une soirée.
Mathilde Monnier signe une création splendide, aux accents argentins, et qui rappelle des références esthétiques à celles d’Ettore Scola ou de Pina Bausch. Par la finesse de son regard et sa folie poétique elle se range parmi ces grands artistes que nous admirons, nous propose un spectacle qui fait du bien, donne envie de se rassembler et de danser.
© Christophe Martin
El Balle, chorégraphie de Mathilde Monnier
Conception : Mathilde Monnier et Alan Pauls
Chorégraphie : Mathilde Monnier
Dramaturgie :Véronique Timsit
Scénographie et costumes : Annie Tolleter
Lumière : Eric Wurtz
Son : Olivier Renouf
Avec : Martin Gil, Lucas Lagomarsino, José Lugones, Ari Lutzker, Carmen Pereiro Numer, Valeria Polorena, Lucia Garcia Pulles, Celia Argüello Rena, Delfina Thiel, Florencia Vecino, Daniel Wendler
Du 5 au 15 septembre 2019 à 18 h 30
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin Roosvelt
75008 Paris
Réservation au 01 44 95 98 21
Métro : lignes 1 et 9 arrêt Franklin Roosevelt, ligne 1 et 8 arrêt Champs Elysées-Clémenceau
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