© *Melk Prod.
ƒƒ article de Nicolas Thevenot
El Adaptador est un peu le couteau suisse et picador de la danse de couple. Il est multi usage, électrique et éclectique, partage opportunément ses techniques indispensables lorsque vous vous retrouvez dans la panade face à votre partenaire, professionnel ou de vie. Il est en équilibre instable entre le désir de bien faire, le souci caméléonesque d’être comme l’autre, de ne pas se faire distancer et le souhait de ne pas se renier non plus complètement : on a encore un peu d’orgueil.
El Adaptador lorgne évidemment du côté de la feria et de ses toréadors mais cela tient davantage de l’opération sous couverture, le chorégraphe ne faisant pas œuvre de thuriféraire de la corrida, hormis un café olé bien enlevé. Marco Berrettini et sa comparse Milena Keller en possèdent néanmoins les glorieux atours, resplendissent dans leur tenue ad hoc, d’un soyeux violet (d’ailleurs on imagine assez bien Marco Berrettini endosser la prochaine fois la tenue d’évêque), sertie de broderies or et argent. La cambrure est parfaite. Leur duo ne fonctionnera pas sur le modèle de la différentiation physique façon Laurel et Hardi, mais sur celui, potentiellement risqué, de la différence générationnelle. Que l’on se rassure : rien de graveleux ni condamnable, mais juste cet écart d’âge que l’on peut ressentir au bureau ou dans une fête, la sensation que l’on n’est plus tout à fait dans le groupe de tête quand bien même on a un poste de direction. Si le rituel de mise à mort prend un sens dans le décorum proposé par Marco Berrettini, c’est, en filigrane, celui de l’ancienne génération par la nouvelle. Rien de grave dans cela, sinon la marche du monde, circulaire comme la piste du cirque. Dans ce pas de deux décalé, surgissent entre la jeune danseuse et le vieux danseur ces désaccords qui font la part belle aux effets de mode de l’une et surligne la ringardise de l’autre, à la traîne de son temps. On retrouve là ce moteur burlesque qui construisait Grand jeté de Silvia Grabaudi, vu une semaine plus tôt, également dans le cadre du festival Faits d’hiver. Marco Berrettini est un orfèvre du moindre effort, du geste infime, de la miniature poétique, comme ces unissons qui très légèrement se mettent à diverger pour ouvrir des abimes de drôlerie. A l’époque survitaminée de la surenchère spectaculaire, il est définitivement à côté de la plaque, c’est ce qui fait son prix. Il ne cède pas aux attentes, mais a le courage de nous faire attendre. Il y a toutefois dans le délitement du spectacle quelque chose qui se met à nous interroger, des temps volontairement morts, une dévitalisation agissant comme un effacement spectaculaire. Et de trop attendre, El Adaptador finit par nous abandonner en rase campagne, pareil à des comédiens tirant leur valise à roulettes sur le chemin d’une interminable tournée.
© *Melk Prod.
El Adaptador, chorégraphie de Marco Berrettini en collaboration avec Milena Keller
Interprétation : Milena Keller et Marco Berrettini
Scénographie : *Melk Prod.
Lumières : Bruno Faucher
Musique : Milena Keller, Marco Berrettini, Samuel Pajand
Costumes et accessoires : Séverine Besson
Aide à la réalisation costume : Laurence Stenzin
Durée : 1h
Le 1er et 2 février 2024 à 20h
Micadanse
20 Rue Geoffroy l’Asnier
75004 Paris
Tél : 01 71 60 67 93
comment closed