Un Fauteuil Pour l'Orchestre – Le site de critiques théâtrales parisien » Ecrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf, texte et mise en scène de Pauline Bayle au Cloître des Carmes, Avignon Festival IN.

À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements, Festivals // Ecrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf, texte et mise en scène de Pauline Bayle au Cloître des Carmes, Avignon Festival IN.

Ecrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf, texte et mise en scène de Pauline Bayle au Cloître des Carmes, Avignon Festival IN.

Juil 20, 2023 | Commentaires fermés sur Ecrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf, texte et mise en scène de Pauline Bayle au Cloître des Carmes, Avignon Festival IN.

ƒ article de Sylvie Boursier

Les Vagues de Virginia Woolf, récit choral à six voix, ponctué d’une marine dessinée à différents moments de la journée, suit le parcours de jeunes depuis l’adolescence jusqu’à l’âge mûr. Leurs paroles se chevauchent, les phrases s’entrechoquent, et les protagonistes à fleur de peau luttent contre un sentiment intérieur de dissolution par l’exaltation de l’enfance et le flux anarchique des sensations. Pauline Bayle s’inspire des Vagues, entre autres textes de l’auteur, pour composer Ecrire sa vie présentée au cloître des Carmes, écrin idéal pour ce poème en prose à six personnages, singulier et élégiaque.

Le public siège sur des gradins en bi-frontal avec au centre une table sur un sol de gravier blanc. Six amis préparent une fête pour le retour d’un des leurs, Jacob, adoré du groupe, qui, comme Godot, restera invisible. Des bouteilles, des fruits, des verres de vin émergent des spectateurs situés dans l’espace de jeu et l’on fredonne hey Jude tous ensemble.

Deux parties vont se succéder, la jeunesse solaire précède la maturité avec ses deuils et renoncements, le temps passe dans un firmament de soie qui vire au clair-obscur grâce à la belle lumière de Claire Gondrexon. Chaque personnage est singulier, ensemble ils composent une bande, un seul corps, toujours collés les uns aux autres. Les moments chorégraphiés où les personnages jouent à chat, s’élancent dans une même énergie, font naître cette sorte de pattern autour d’une conscience centrale, d’un instinct de groupe presque animal. Malheureusement l’ensemble manque de souffle, le texte de Pauline Bayle paraît souvent artificiel, s’enlise dans une logorrhée interminable, et la pièce patine en dépit de comédiens magnifiques d’élans brisés, d’une chorégraphie parfaite et d’instants étincelants. Les références à la pandémie n’apportent rien.

La langue perchée, introspective de l’auteur des Vagues résiste à la transposition, parmi les rares réussites, on se souvient du film de Stephen Daldry, The Hours, qui racontait une journée cruciale dans la vie de trois femmes à différentes époques, dont les destins s’interconnectaient suite à la lecture du roman de Virginia Woolf, Mrs Dalloway. Daldry rejoignait par la fiction la démarche de Woolf qui fut aussi celle de Proust, « Projeter en vrac le paquet confus d’impressions que nous sommes, afin de saisir au moyen d’éclairs isolés et discontinus une réalité continue ».

En quittant le cloître, on garde en nous la force du lien à la vie à la mort de ce groupe d’amis « Je vogue sur des eaux houleuses et je ne coulerai sans personne pour me sauver » dit Virginia Woolf, la beauté d’une nature morte, posée comme une enluminure sur le gravier du retable « pierre et ciel » des Carmes et l’on se dit que la soirée fut belle à vivre.

Dans un monde où tout se délite, cette communauté de théâtre nous relie et les amitiés indéfectibles nous empêchent de sombrer.