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Écrire sa vie, adaptation et mise en scène de Pauline Bayle d’après l’œuvre de Virginia Woolf, au TPM – Théâtre Public Montreuil

Oct 04, 2023 | Commentaires fermés sur Écrire sa vie, adaptation et mise en scène de Pauline Bayle d’après l’œuvre de Virginia Woolf, au TPM – Théâtre Public Montreuil

© Christophe  Raynaud de Lage

 

 

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

La curiosité m’anima, et un puissant désir. Désir de poésie, désir d’entendre aussi d’autres voix que la mienne clamer ces textes sur d’autres scènes. Voilà ce qui m’amena à ce qui se présente lors de notre entrée dans le TPM comme une fête impromptue : une longue table, des graviers blancs, le brouhaha des conversations. Trouver sa place, prendre des nouvelles, s’observer dans la foule bigarrée. L’entrée du public se confond avec l’entrée des invités de la fête. Pauline Bayle instaure un principe d’homothétie, un jeu de miroir, entre régime de fiction et régime de réalité, procédé qu’elle reprendra d’ailleurs au cœur du spectacle. Pour cet accueil, les acteurs rivalisent de bonne humeur, font des moulinets avec les mots comme s’ils cherchaient à s’enflammer, et nous avec. La facticité émaille l’artefact mais l’on se chauffe petit à petit à cet irrésistible foyer. Écrire le plateau c’est ainsi croire ensemble, acteurs et public, à une fable, la coudre des fils blancs de la connivence. Domestiquer l’inconnu en chacun. C’est retrouver cette part crédule de l’enfance, c’est recouvrer la fraicheur de cette naïveté. C’est être ensemble.

Écrire sa vie sonne comme une injonction, comme un ordre. Pauline Bayle et sa troupe s’y engagent, portant haut et fort le verbe woolfien, dans une urgence qui emporte le morceau. Le spectacle se construit très majoritairement à partir du roman Les Vagues de Virginia Woolf, et l’on reconnaît sans peine la traduction de Marguerite Yourcenar qui possède ce flow (au détriment peut-être de la fidélité à l’original) qui porte si bien et si loin la parole dans l’espace. Six amis se retrouvent pour fêter le retour tant attendu de Jacob (Perceval dans le roman, les noms ont été changés dans cette adaptation) qui n’arrivera jamais. Pré texte, sous texte, cette absence creuse un manque, un désir, d’aussi loin qu’il leur en souvienne, jusque dans la forêt de leur enfance. Écrire sa vie emplit de profusion ce vide qui les consume, qui nous étreint, est plein de mots en l’air (mais jamais, au grand jamais, ils ne sont vains), comme autant de feux d’artifice. C’est beau et sans que l’on en comprenne la mécanique c’est bouleversant, car la poésie s’affranchit des récits, s’abstrait de la narration, comme on sortirait d’un mauvais rêve, pour nous plonger dans un état de pleine conscience. D’histoire il n’y en a presque pas, et c’est comme un poids en moins pour peu que l’on accepte de lâcher cette bride, qui est aussi une œillère dans notre relation au monde. Les lumières impressionnistes et l’espace, d’un visible ouvert sur l’invisible, essaimé de ballons rouges pareils à des bulles d’air venant éclater à la surface du réel, nous accompagnent souplement dans cette traversée. La puissance du dire, démiurgique, a le pouvoir du faire, de réagencer les atomes de l’existence. Le théâtre est le lieu des miracles nous dit Pauline Bayle projetant avec foi l’écriture de Virginia Woolf dans son dispositif spectaculaire. Écrire sa vie performe la vitalité des mots, fabrique des mondes à la force du poignet de l’écriture. Les phrases nous parviennent comme autant d’embardées, nous remuent, comme si nous-mêmes n’étions faits que de mots que ces six acteurs créateurs auraient le pouvoir de baratter. Même s’ils ont encore la jeunesse pour eux, ils ont tous les âges de la vie, comme le texte de Virginia Woolf.  Ces diseurs de mots sont les diseurs de la bonne ou mauvaise aventure qu’est la vie dans laquelle ils sont, nous sommes, embarqués. Crier qu’on est libre, puis crier qu’on ne l’était pas. « Le sens passionné de l’existence » est de chaque instant, tumultueux, et tient entre ces deux cris.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

Écrire sa vie, adaptation et mise en scène de Pauline Bayle d’après l’œuvre de Virginia Woolf

Avec Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Viktoria Kozlova, Loïc Renard, Jenna Thiam, Charlotte Van Bervesselès

Assistante à la mise en scène : Isabelle Antoine

Assistante à la mise en scène en tournée : Audrey Gendre

Scénographie : Fanny Laplane, Pauline Bayle

Lumières : Claire Gondrexon

Musique : Julien Lemonnier

Conception sonore : Olivier Renet

Costumes : Pétronille Salomé

Assistante costume : Nathalie Salnier

Accessoiriste : Éric Blanchard

Regard extérieur chorégraphique : Madeleine Fournier

Régie générale : Antoine Seigneur-Guerrini

Régie son : Tom Vanacker

Régie plateau : Lucas Frankias / Simon Leuillet

Construction décors : Eclectik Scéno

 

Durée : 1h45

 

Du 26 septembre au 21 octobre 2023

Du mardi au vendredi à 20h samedi à 18h

Relâche les dimanches et lundis

 

TPM

Théâtre Public Montreuil

Salle Jean-Pierre Vernant

10 place Jean-Jaurès

93100 Montreuil

Tél : 01 48 70 48 90

 

En tournée :

20 – 21 novembre 2023

Le Parvis, scène nationale de Tarbes – Pyrénées

8 – 9 décembre 2023

Châteauvallon Liberté́, scène nationale de Toulon

14 – 15 décembre 2023

TCC – Théâtre Châtillon Clamart

13 – 16 février 2024

Théâtre Dijon Bourgogne – CDN

5 – 8 mars 2024

Théâtre de la Croix-Rousse-Lyon

 

 

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