ƒƒ article de Hoël Le Corre
Après 15 ans de succès avec leur géniale chorégraphie Un poyo rojo, Alfonso Baron et Luiano Rosso reviennent avec leur compère Hermes Gaido pour nous offrir un spectacle toujours aussi corporel et à l’esthétique bien marquée.
On retrouve avec Dystopia les corps énergiques et les chorégraphies millimétrées propres à ces artistes aussi fous qu’impressionnants. La pièce s’ouvre d’ailleurs sur un très beau tableau en ombres chinoises dans un ballet sur talons aiguilles se jouant des codes de genre. On y retrouve aussi la complicité entre ces deux garçons qui fait toujours des étincelles.
Pas de leurre donc, on a bien une filiation entre le premier opus et ce deuxième volet. Mais on change d’univers : au vestiaire se substitue un studio d’enregistrement. Capteurs, fond vert, micro, écrans, Dystopia fait la part belle à l’interactivité et aux outils mutlimédia pour explorer notre relation à ceux-là.
Par le truchement d’une émission de télé aseptisée présentée par Alfonso et Luciano eux-mêmes, grimés en caricatures de femmes, le spectacle prend alors un tour technologique étonnant et se mue en une performance de synchronicité des corps, des tempos et des voix. Alfonso et Luciano se mettent ainsi dans la peau d’une myriade de personnages grâce à des filtres successifs. Les deux artistes se lancent dans une succession haletante de tableaux déjantés. Sont abordés de nombreux thèmes épineux de société, l’addiction aux écrans, le pouvoir des influenceurs, les soi-disant experts, les réactionnaires…
Bref, tout le monde y prend pour son grade, y compris d’ailleurs, les artistes, dans un second degré délectable où le discours engagé et radical est confronté au politiquement correct et à la langue de bois. On retiendra les questions des internautes imaginaires : « Etes-vous pleinement conscient de l’empreinte carbone d’un tel dispositif technologique ? C’est un show végan au moins ? » qui mettent à mal les convictions de ces deux partenaires.
Toutefois, si le fond et la forme apparaissent travaillés au cordeau, on peut vraiment regretter que le côté « performance informatique » prenne trop le pas sur les corps qui disparaissent derrière la surabondance d’écrans et de dispositifs techniques. Le regard se perd souvent, et il est dommage que deux artistes aussi doués se retrouvent finalement noyés par ce qu’ils cherchent pourtant à dénoncer. En un mot, on ne s’ennuie pas, mais ressort de la salle un peu décontenancé.
Dystopia – Un poyo rojo #2, création d’Alfonso Barón et Luciano Rosso
Collaboration : Julien Barazer
Mise en scène : Hermes Gaido
Chorégraphie et interprétation : Alfonso Barón, Luciano Rosso
Scénographie : Hermes Gaido, Luciano Rosso
Lumière, vidéo, régie générale : Hermes Gaido
Musique originale : Hermes Gaido, Alfonso Barón, Luciano Rosso, Sebastián Pérez Echegaray
Habillage : Alfonso Barón, Luciano Rosso
Du mardi au dimanche à 18 h 30
Relâche le 13 octobre
Durée : 1 h 10
Théâtre du Rond Point
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations : 01 44 95 98 00
www.theatredurondpoint.fr
Tournée :
17 février 2023 VITORIA (ESPAGNE)
21 avril 2023 BARAKALDO (ESPAGNE)
comment closed