À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Dogs of Europe, d’après le roman d’Alhierd Bacharevic, mise en scène de Nicolai Khalezin et Natalia Kaliada, au Théâtre de l’Odéon / Atelier Berthier – Festival d’Automne à Paris

Dogs of Europe, d’après le roman d’Alhierd Bacharevic, mise en scène de Nicolai Khalezin et Natalia Kaliada, au Théâtre de l’Odéon / Atelier Berthier – Festival d’Automne à Paris

Déc 12, 2022 | Commentaires fermés sur Dogs of Europe, d’après le roman d’Alhierd Bacharevic, mise en scène de Nicolai Khalezin et Natalia Kaliada, au Théâtre de l’Odéon / Atelier Berthier – Festival d’Automne à Paris

 


© Linda Nylind

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

En 2049 l’Europe est désormais coupée en deux, séparée par un mur. La ligue des états européens, représentant le monde libre, fait face au nouveau Reich, dictature russe qui englobe l’Ukraine jusque la Chine où la population est privée de liberté. Dans ce roman dystopique de Alhierd Bacharevic écrit en 2018, troublant et prémonitoire, tout à la fois thriller politique, conte noir, documentaire sur la guerre et la dictature, il est question aussi de résistance et de culture, de littérature. Une drôle d’épopée prophétique à travers les capitales de l’Europe, de Paris à Minsk, dans les toutes dernières librairies existantes, sans plus de clients désormais, à la recherche de l’identité d’un mystérieux poète qui n’a laissé pour tout héritage qu’une plume d’oie et un recueil illisible, écrit en « balbuta ». Etrange fable, singulier récit qui peut sembler confus, profus, mais dont la clef se trouve dans une valise que transporte une espionne parachutée dans un petit village du Reich russe, et une capsule temporelle enterrée en 2019 par des élèves d’un collège de Minsk.

Le roman censuré par le régime, son adaptation fut représentée de manière clandestine en Biélorussie en mars 2020 par le Belarus Free Theatre avant que les membres de ce collectif ne fuient sous la répression du régime de d’Alexandre Loukachenko. Les co-fondateurs de cette compagnie, Natalia Kaliada et Nicolai Khalezin furent contraint à l’exil dès 2010. C’est donc un théâtre profondément engagé, un théâtre entré naturellement en résistance contre un régime totalitaire et ce depuis la création de ce collectif en 2005.

Il y a dans cette mise en scène quelques réminiscences ouvertement brechtiennes de par son traitement, entre la comédie et la farce, les chansons et la musique traditionnelle d’Europe de l’Est revisitées par le duo Balaklava Blues ponctuant les scènes et la danse pour faire lien et comme autant de respirations traversant ce récit épique et futuriste. Un traitement sans esbrouffe, sans scorie, voire volontiers et volontairement naïf, poétique même et traversé d’images fulgurantes, un peu brouillon parfois c’est vrai, une ligne claire qui rend paradoxalement à ce récit dystopique toute sa profondeur tragique, visionnaire et politique. Ce qui semble importer là est plus le fond que la forme, laquelle ne devant en rien occulter le fil d’un récit déjà complexe et surtout la force et la violence prémonitoire de son sujet. Un théâtre très physique où les corps mis en avant ont leur importance sur ce plateau nu, dégagé volontairement de tout accessoire ; quelques tables gigognes s’escamotant pour unique scénographie, des vidéos projetées pour paysages. Tout ça est mené tambour-battant, dans une grande fluidité, sans temps mort. Brut de coffre, donc, un théâtre pauvre on peut dire ça, mais sans doute faut il y voir là en filigrane les conditions de production et de répétitions d’un théâtre obligé à la clandestinité et la résistance.

Il faut, c’est vrai, faire un effort, accepter de s’immerger dans ce récit déroutant, parfois elliptique, particulièrement dans la première partie, laquelle semble détachée de la seconde et sans rapport aucun mais dont la résolution surprenante ne s’éclaire qu’à la toute fin. Qu’importe après tout, ce récit, l’énergie folle à le défendre et la conviction absolue d’un acte de résistance obligé qui traverse cette création finissent par vous emporter. Reste aussi une impression malaisante devant cette dystopie que l’actualité, la réalité semble rattraper.

 

© LInda Nylind

 

Dogs of Europe d’après le roman d’Alhierd Bachaveric

Mise en scène : Nicolai Khalezin et Natalia Kaliada

Un spectacle du Belarus Free Theatre

Avec Darya Andreyanava, Pavel Haradnitski, Kiryl Kalbasnikau, Mikalei Kuprych, Aliaksai Saprykin, Mitya Savelau, Mariya Sazonava, Stanislasava Shablinskaya, Yuliya Shauchuk, Raman Shytsko, Oleg Sidorchik, Kate Vostrikova, Ilya Yasinski

 

Scénographie et dramaturgie : Nicolai Khalezin

Co-dramaturge : Maryia Bialkovich

Cineaste : Roman Liubyi

Lumière, vidéo : Richard Williamson

Composition : Sergej Newski

 

Musique originale et livre : Mark et Marichka Marczyk (Balaklava Blues)

Son : Ella Wahlström

Chorégraphie : Maryia Sazonava

Vidéaste : Mikalai Kuprych

Illusions : Neil Kelso

 

Du 9 au 15 décembre 2022

 

Théâtre de l’Odéon / Atelier Berthier

1 rue André Suarès

75017 Paris

 

Réservations : 01 44 85 40 40

www.theatre-odeon.eu

 

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