© Cyrille Varloff
ƒƒ Article de Sylvie Boursier
Il joue du piano debout, couché, sur un ballon, sur le ventre et même en apnée, ce petit bonhomme à la chevelure « coiffée décoiffée » Jean Paul Farré, dans sa drôle de boîte à musique façon Jean François Zygel. Il fourbit son piano comme la Mère Poulard son omelette, une note de sel qui compte pour du beurre par si, une pincée de fa dièse par la et le tour est joué mais c’est sans compter avec la partition interrompue, le clavier qui se barre, la note qui se fait la malle.
Charlie Chaplin, Buster Keaton, Jacques Tati avaient montré la résistance du monde matériel, la lutte de l’homme aux prises avec des machines dadaïstes comme dans « la croisière du Navigateur » du grand Buster, il y a de cela chez Monsieur Farré qui se revendique d’une tradition burlesque, genre trop souvent considéré comme mineur. Faire rire ou même sourire n’est pourtant pas chose aisée, Molière en savait quelque chose, tragédien raté qui amusait le genre humain sur ses tréteaux pour faire vivre sa troupe.
Le blanchisseur de touches, le remplaceur de pédale, l’accordeur, le déménageur de pupitre, le testeur de tabouret et le tourneur de page n’ont pas de secrets pour lui, il convoque tout un orchestre de pieds nickelés autour du piano noir. La vente à la découpe du clavier, touche par touche, lors de sa révision des 60 000 notes donne lieu à un grand moment d’absurde de ce savant fou.
Il ose tout le calembour facile comme la poésie à la Sempé lorsqu’un chat miaule sur la lettre à Elise et provoque la fuite d’un sol ou lorsque la pluie fait des claquettes sur une immense partition projetée en fond de plateau et qu’une simple petite note de musique prend l’eau ; le maestro boit la tasse, singing in the rain, pianos inanimés avez-vous donc une âme ? oui, trois fois oui nous répond le clown musicien. Buster Keaton avait déclaré « Je souhaiterais être mis en terre avec un jeu de cartes et un chapelet afin d’être prêt à toute éventualité… ». Gageons que pour M. Farré ce sera avec son demi-queue miniature, sa mascotte depuis des années qui témoigne, au-delà de l’argument comique d’un amour sincère pour son instrument.
Mélomanes ou pas, amoureux du piano, du burlesque, des arts mineurs et majeurs allez au Studio Hébertot voir une sacrée traversée pianistique en solitaire !
© Cyrille Varloff
Dessine-moi un piano de Jean-Paul Farré
Mise en Scène : Stéphane Cottin
Lumières, vidéo : Léonard
Costumes : Chouchane Abello Tcherpachian
Durée : 1 h 15
Les jeudis, vendredi et samedi à 19 h jusqu’au 12 novembre 2022
Studio Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Réservation 01 42 93 13 04
www.studiohebertot.com
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