© Hélène Bozzi
ƒƒ article de Denis Sanglard
Réécriture de la petite sirène, cette création est un petit bijou de théâtre pour enfant, intelligent et surtout pas gnangnan. L’auteur et metteur en scène Lazare ne retranche rien des thèmes qui traversent ce conte initiatique, le passage à l’âge adulte, les désillusions de l’amour. Seulement il y met sa patte singulière, une écriture poétique qui prend souvent le large, changeant de cap brusquement, tempétueuse et qui vous éclabousse, une réflexion sur notre monde contemporain, une mise en scène un peu foutraque, une scénographie inventive et bricolée avec trois fois rien. L’océan est un aquarium, des robes bleues et légères épousent les mouvement des vagues, la lune est une cymbale… C’est de l’artisanat, tout se fait à vue, tout se transforme, et c’est très bien, la magie opère très vite. C’est le goût de l’enfance retrouvée qui nous faisait bâtir et vivre des histoires avec ce qui nous tombait sous la main, on y croyait dur comme fer. Théâtre musical aussi, quand la tristesse vient on chante, très bien, pour chasser son chagrin. Et un spectacle avec des sirènes sans le chant ne pourrait pas tout à fait être cohérent.
Mais avec Lazare ce conte est aussi ancré dans une réalité. La préoccupation écologique traverse cette création. La méchante sorcière vit au milieu des débris plastiques et ménagers que nous rejetons. La mer est une décharge, sous le sable le pétrole. Et le ver de terre qui accompagne la petite sirène sur terre, il est la voix qu’elle n’a plus, lui rappelle son utilité dans la chaîne écologique. Le progrès entache le merveilleux de ses déchets.
Mais sous la mer, le royaume des sirènes est le dernier endroit pour la féerie. La curiosité de la sirène pour le monde d’en haut, cette recherche d’un amour qui lui donnerait une âme, signe la fin de son enfance. La sirène a mal aux pieds dans ses hautes bottes qui la chaussent mais son mal est plus grand, c’est la désillusion. Lazare avec délicatesse montre ce passage à l’âge adulte où le prince charmant n’est qu’un vilain garçon égocentrique qui fait sauter les filles dans un cerceau, oublieux de celle qui l’avait sauvé, oublieux des sirènes de son enfance, « n’ayant pas d’appétit pour les sardines. ». Le prince épousera une méchante princesse, tant pis pour lui qui ne connaîtra pas « les secrets du miroir de l’eau ». La cruauté est là, les adultes n’entendent plus les sirènes. Et Lazare, l’air de rien, égratigne aussi le patriarcat et l’obligation faite aux jeunes filles de s’y conformer. Comme dit la grand-mère de la petite sirène, il vaut mieux garder sa queue et faire des zig-zag dans les vagues que correspondre aux « je t’aime » de ces messieurs.
Laurie Bellanca, Anaïs Defay, Louis Jeffroy et Léa Quinsac harnachés de leur queue de sirène métallique mais réduite à leur structure spiralée – un petit côté Tinguely – accumulent les rôles, habiles aux changements, chantent et jouent de leurs instruments, flûte ou piano. Métamorphosent l’espace en un clin d’œil sans temps mort. Ils sont plus que talentueux, d’une énergie communicative, emportant dans un joyeux tourbillon les minots dans la salle qui répondent spontanément, interpellés, à l’appel de ces sirènes modernes. Et qu’on se rassure, la petite sirène ne meurt pas, ne devient pas écume mais, sauvée par ses sœurs sacrifiant leur chevelure en échange de sa vie sauve, grandit et devient femme, protégée par un dragon. La féerie ça a du bon.
© Hélène Bozzi
Des jambes pour une sirène, texte et mise en scène de Lazare
Collaboration artistique : Anne Baudoux et Laurie Bellanca
Coordination musicale : Laurie Bellanca
Création lumière : Philippe Ulysse
Régie générale : Bruno Bléger
Costumes : Raoul Fernandez
Scénographie et accessoire : Lucie Auclair
Construction : Lucas Remon
Stagiaire à la construction : Anna Behlalou
Avec : Laurie Bellanca, Anaïs Defay, Louis Jeffroy et Léa Quinsac
Séance tout public
Mercredi 22 et 29 novembre à 17h
Vendredi 24 novembre et 1er décembre à 19h
Samedi 25 novembre et 2 décembre à 14h et 16h30
Séance scolaires
Lundi 20 et 27 novembre à 10h et 14h
Mardi 21 et 28 novembre à 14h
Jeudi 23 et 30 novembre à 10h et 14h
Les Plateaux-Sauvages
5 rue des plâtrières
75020 paris
Réservations : www.lesplateauxauvages.fr
Tournée :
4/9 décembre 2023 Théâtre les Îlets / CDN de Montluçon
14/15 décembre 2023 Le Préau / CDN de Normandie-Vire
21/22 décembre 2023 Le Nouveau Relax / Chaumont
18/19 janvier 2024 La Passerelle / Scène nationale de Saint-Brieuc
22/23 janvier 2024 Communauté de commune de Landivisiau
8/10 février 2024 La Soufflerie-Rezé/ programmation le grand T-scène conventionnée Loire-Atlantique
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