ƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Romain Rolland était un très bon pianiste, et c’est pour cela sans doute qu’il en fallait un autre, Guilhem Fabre, pour « prendre sa place » dans Dernières notes une pièce assez forte de Michel Mollard. Le 24 décembre 1944, Romain Rolland est chez lui, à Vézelay. il entre superbement dans son salon, descendant un escalier que nous n’imaginions pas, étant dans le noir, attendant le « début » de cette pièce. La surprise et la beauté sont là. Prix Nobel de Littérature en 1915,Romain Rolland semble faire le point, à quelques jours de son décès le 30 décembre. Oui, lui pacifiste, s’étonne douloureusement de cette seconde guerre, la première n’avait pas suffit, n’avait pas fait avancer. Il est dans son salon, passe de son fauteuil sans doute magique, celui que l’on ne prête que difficilement, à son piano. Il parle, joue, parle. Le silence n’existe pas en lui, ou porté par la voix, les notes, les idées, Jean-Christophe. Il nous entraîne jusqu’à l’ultime sonate de Beethoven, l’opus 111, qui semble le soutenir, à ces quelques jours de la « fin ». Il nous dit que oui, il a été « pacifiste » depuis presque toujours, que oui, Claudel est un grand ami, aux idées mille fois différentes que les siennes. Et alors ? Et Dieu dans tout ça ? Ces idées sont bonnes et il les partage, à ce « Dieu », la Paix, l’échange, la bonté, mais comment peut-on imaginer qu’il existe ? Ou qu’il n’existe pas ? Rien n’est simple. Et les hommes sont fous, nous sommes en 1944…
Voilà, nous sommes avec Romain Rolland, chance fabuleuse nous sommes petits grains de poussière dans ce salon chargé de souvenirs, de temps, d’aujourd’hui, de demain. Pourquoi, oui, non. Nous découvrons, suivons, séduits par ce moment solitaire. L’idée de Dernières notes, les idées d’ailleurs, nous transportent. Ce titre même est sa richesse, regardez, écoutez, ne vous éloignez pas tout de suite de ce salon. Le talent de Guilhem Fabre au piano est indéniable. Ensuite, pourquoi cet homme jeune à la chevelure forte porte-t-il le texte de Michel Mollard avec une voix un rien illustratrice d’un âge qu’il n’a pas ? Dommage. On y pense sans cesse à cette voix un peu menteuse. Le texte est excellent, un peu long, boueux ici ou là, faussement ami du silence de temps en temps. Le début de cette pièce est brillant, ensuite, une curieuse – et certainement malheureuse – lourdeur, a frappé discrètement à la porte du salon et s’est assise sur un joli canapé. C’est comme s’il fallait tout dire, tout montrer, tout. Vers la fin, on se dit « oh, whaou, nous sommes scotchés, bravo ! ». Et hop ! Quelques notes encore, dites ou jouées. Nous avons découvert la valeur expressive de ces notes, oui, avons envie de courir vers notre bibliothèque reprendre saluer Romain Rolland. Nous applaudissons, le talent est là, en majuscule sans doute, il manque juste une petite paire de ciseaux, de l’air ou de la légèreté. Du temps.
Dernières notes, de Michel Mollard
Mise en scène : François Michonneau
Avec : Guilhem Fabre
Durée : 1h25
Jusqu’au 22 octobre 2023
Les jeudis, vendredis, samedis à 19h
Le dimanche à 17h
Studio Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles
75017 Paris
T+ 01.42.93.13.04
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