© Emilie Brouchon
ƒƒ Article de Sylvie Boursier
Florence Cabaret, qui joue Marie Tudor, perd la raison. Elle devient la reine Marie, s’enfuit du théâtre, enterre ses papiers d’identité au bois de Vincennes et déambule dans Paris, ivre d’une puissance paroxystique et persuadée d’être poursuivie par des voix persécutrices. Internée, sous l’emprise d’une camisole chimique, elle se transforme en légume. Aujourd’hui elle retrouve la scène et nous raconte son histoire et, non sans humour précise « Quand vous souffrez d’un trouble bipolaire, être un double de soi-même sur la scène du théâtre, c’est assez… vertigineux.”
Cette magnifique comédienne que l’on a vue, bouleversante, dans Tchekhov Racine ou Euripide, avec une seule chaise comme accessoire, occupe l’espace et nous fait partager sa traversée du miroir, endossant tous les rôles, psychiatres, membres de sa famille, magnétiseur, amis. La dépression est rarement représentée au théâtre comme au cinéma hormis dans quelques films emblématiques comme Melancolia, de Lars von Trier ou plus récemment les Intranquilles de Joachim Lafosse avec Damien Bonnard dans le rôle du peintre Gérard Garouste atteint de cette même pathologie.
Florence Cabaret avec distance et maestria incarne ses états du moi défaillants, ses hallucinations, son enfance aussi dont on se demande comment elle a pu y survivre. Son jeu est tonique, souvent très drôle, extrêmement fin. Marie Tudor fréquente Arthur Rimbaud et Winnicott, deux pavillons d’hôpital psychiatrique, passe de psychiatre en psychiatre avant qu’enfin un diagnostic soit posé et qu’elle puisse progressivement reprendre le contrôle de son esprit. Le très beau texte du spectacle a été écrit par Denis Lachaud à partir du récit de Florence. De la mise en scène de Catherine Schaub aux lumières de Thierry Morin, tout concourt à un moment intense de théâtre.
La souffrance psychique est souvent stigmatisée, sujet de honte. Florence Cabaret lève le voile pour elle mais aussi pour tous ceux qui en souffrent. Chaque jour elle se lève et vient jouer sa vie sur scène, le théâtre qui a précipité sa chute accompagne sa renaissance. La rémission, loin d’être évidente, est possible grâce à un traitement adapté. Florence nous regarde droit dans les yeux et l’on mesure ce que c’est qu’être là pour elle. Spectateurs, n’enchainez pas directement sur autre chose, faites une pause. Un spectacle d’une justesse totale, en tous points réussi !
© Emilie Brouchon
Déraisonnable de Denis Lachaud
Mise en scène : Catherine Schaub
Lumières : Thierry Morin
Visuel : Anne Carbarbaye
Son : Aldo Gilbert
Jeu : Florence Cabaret
Durée : 1h05
Du 7 au 26 juillet à 13h45, relâche les 13 et 20 juillet
Théâtre Artéphile, salle 1
7 rue du Bourg Neuf
84000 Avignon
Avignon Festival off
Réservations : 04 90 03 01 90
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