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Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard, mise en scène Agathe Alexis, au Théâtre de l’Atalante

Jan 21, 2016 | Commentaires fermés sur Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard, mise en scène Agathe Alexis, au Théâtre de l’Atalante

ƒƒ article d’Ulysse Di Gregorio

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© Nathalie Hervieux

Pour cette mise en scène du Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard, Agathe Alexis, qui interprète également le personnage de Ritter, a fait le pari de la vie sur scène, et cela fonctionne admirablement. Alors même que les trois personnages sont pris dans une sorte de dépression qui entraîne la folie, le comique resurgit à chaque instant avec un effet mordant et grinçant. La scénographie – entre salon bourgeois et mobilier déstructuré – accentue l’aspect disparate de la scène, la commode aux lignes divergentes apparaissant comme le reflet de l’âme des personnages. La pensée de ces derniers est sans cesse comme déviée par leur folie, dans l’irréalité dans laquelle ils vivent, grâce à l’héritage dont ils disposent. Un héritage qui ne cesse d’ailleurs d’être brisé et grignoté entre la vaisselle des aïeuls, qui vole en éclats lors des crises de Ludwig, et les portraits coûteux de mauvais goût auxquels se sont livrées les deux sœurs.

Yveline Hamon dans le rôle de Dene, la sœur aînée, qui ouvre la pièce dans une joie et une stabilité apparente, montre des failles d’une extrême violence. Elle tente encore et toujours de maintenir un semblant de normalité au sein de cette maison, mais les œillères qu’elle s’impose pour éviter de voir le réel ne cesseront de lui être arrachées. L’apogée de la pièce, attendue avec la fameuse scène des profiteroles, est encore une fois, au propre comme au figuré, une explosion de la réalité de la déchéance familiale au visage de Dene. Ludwig, interprété par Hervé Van Der Meulen avec finesse et précision, se trouve constamment absorbé dans ses réflexions sur le langage, – un langage étrangement vidé de son sens. Il est provoquant, drôle et tragique à la fois. Etouffé par ce milieu bourgeois, il brise les codes et s’amuse à torturer sa sœur Dene. S’impose alors Ritter, à travers lequel Agathe Alexis compose un personnage plus que complexe. Le public perçoit au premier abord un personnage « sain », prétendant s’arracher à une relation incestueuse, et distant à l’égard du retour de son frère à la maison. Mais comme chacun des personnages elle ne manquera pas à son tour de subir le destin familial : l’absence de valeur morale et d’honneur vis-à-vis d’elle-même. L’alcool d’abord montre une première faiblesse, jusqu’à ce que l’on découvre que le couple qui s’est effectivement formé n’est pas celui de Dene et de Ludwig, mais bien celui de Ritter et Ludwig.

La déchéance bourgeoise et familiale est inévitable, parce qu’elle est amorcée volontairement par les personnages eux-mêmes. Le vice réside dans cette complaisance dans la perversion, dans l’ennui qu’il faut combattre, et même s’il faut en arriver à se détruire soi-même, peu importe où l’on tombe, pourvu qu’il se passe quelque chose…

Déjeuner chez Wittgenstein
Texte Thomas Bernhard
Traduction Michel Nebenzahl
Mise en scène Agathe Alexis
Scénographie et costumes Robin Chemin
Réalisations sonores Jaime Azulay
Lumière Stéphane Deschamps
Chorégraphies Jean-Marc Hoolbecq
Collaboration artistique Alain Alexis Barsacq
Avec Agathe Alexis, Yveline Hamon, Hervé Van Der Meulen

Du 9 janvier au 1er février 2016
Les lundis, mercredis et vendredis à 20h30, les jeudis et samedis à 19h00, les dimanches à 17h00, relâche les mardis
Représentation supplémentaire dimanche 31 janvier à 20h30, relâche exceptionnelle le jeudi 21 janvier
Durée du spectacle 2h10

Théâtre de l’Atalante
10, place Charles Dullin – 75018 Paris
Métro: Anvers, Abbesses, Pigalle / Bus 30 ou 54 (arrêt Anvers)
Réservation 01 46 06 11 90
www.theatre-latalante.com

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