Critiques // Dehors est blanc de Tumbleweed, à la MC93 – Bobigny dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Dehors est blanc de Tumbleweed, à la MC93 – Bobigny dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Juin 19, 2023 | Commentaires fermés sur Dehors est blanc de Tumbleweed, à la MC93 – Bobigny dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 

© Arnaud Gerniers

 

 

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

Un grand carré blanc, luminescent, forme une estrade, est le seul dispositif lumineux éclairant donc en contre-plongée l’espace. Le public est aligné sur trois de ses côtés. Une forme composite difficilement identifiable flotte au-dessus de cette surface. De cet amas défiant la pesanteur se distingueront bientôt des parcelles de corps, pied, bras, et d’autres parties encore s’arrimant les unes aux autres sans que cela ne permette d’identifier comment ces corps sont assemblés, et combien de personnes le compose. La concentration des corps appelle la concentration du public, comme si le moindre bruit pouvait faire s’écrouler ce magique château volant. Dehors est blanc, s’il défie certaines lois naturelles, active le principe de l’attraction. Les corps se détacheront bientôt les uns des autres, volant leur vie, planant ou marchant dans le vide. Si Tumbleweed travaillait la persistance rétinienne des images dans A Very Eye, Dehors est blanc envisage la possibilité d’un corps débarrassé de la pesanteur, témoignant du besoin de dépasser les limites et d’investir de nouveaux territoires pour le duo Angela Rabaglio et Micaël Florentz qui compose Tumbleweed. L’affranchissement de la pesanteur représente toutefois une véritable gageure quand on sait que la mécanique des corps et les mouvements, ici-bas, sont rigoureusement soumis aux lois de la pesanteur, et que la danse se forme justement dans cette relation.

Les images se déploient saisissantes, renversant nos perceptions, déjouant nos attendus, sidérant comme le spectacle de nouveaux corps stellaires : corps planant, homme marchant dans le vide, femme tête en bas pieds en l’air. Il y a du Magritte dans ces êtres flottant dans le vide, le regard fermé, au plus près de leur sensations, impassibles passants de l’univers. Les mouvements sont lents presque invisibles. C’est une danse de l’esprit pour le regardeur car c’est l’espace alentour qui se met à tourner par cette mise à pied des axes cardinaux, hauteur et profondeur semblent ne plus faire sens. C’est incroyable et beau de voir une goutte de sueur tomber du visage dans le vide au-delà de la tête et non sur les pieds de celui qui marche et transpire. Si la précision concentrée des mouvements et cette plaque lumineuse sur laquelle ils flottent renvoient à une sorte de microscope géant mettant devant sa lentille de nouvelles formes de vie, d’autres manières d’être vivant, Dehors est blanc est à des années-lumière des astronautes et de l’apesanteur technologique, et c’est bien heureux ainsi que cette proposition ne tourne pas au manège spatial, non, il s’agit bien plutôt d’une mise à l’épreuve d’un corps dansé s’il devait faire abstraction de ce qui le gouverne habituellement. Une déterritorialisation visant à un hors sol.

Dehors est blanc se dépouillera de son illusion comme d’un poids trop lourd à porter. Les câbles qui tiennent et portent les danseurs à travers différentes attaches demeureront invisibles, mais les contrepoids apparaîtront sur le quatrième mur du fond. Un envers du décor et de sa magie, le double fond de la boite : la légèreté ne peut s’afficher qu’au prix d’un poids caché. Chaque détachement se matérialisera par la chute du lest et le bruit mat de son écrasement au sol. On se souvient alors d’une pièce de Maguy Marin, Ha ! Ha ! (2006) ponctuée par des chutes de lests tombant des cintres sur le plateau éclatant au sol des marionnettes. Comme un violent et traumatique retour du réel. C’est toute la force de Dehors est blanc de donner à entendre cela  après avoir vu cela.

 

© Arnaud Gerniers

 

Dehors est blanc, concept, chorégraphie de Angela Rabaglio et Micaël Florentz

Ecriture : Angela Rabaglio, Micaël Florentz, Sergi Parés

Création et interprétation : Angela Rabaglio, Micaël Florentz, Sergi Parés / Florencia Demestri

Création lumière et scénographie : Arnaud Gerniers

Musique : Anne Lepère

Costumes : Catherine Somers

Stage en dramaturgie : Martha Dewit

Regard extérieur : Areti Chourdaki (stage), Mélissa Rondeau

Direction technique : Yorrick Detroy

Assistance technique, construction décors : Thomas Schellenberger

Conception de la structure : Noé Robert

Rigging : Black Hand Crew

Durée : 60 minutes

 

Le vendredi 9 juin à 19h et samedi 10 juin 2023 à 17h

MC93 Maison de la culture de Seine-Saint-Denis

9, boulevard Lénine

93000 Bobigny

www.mc93.com

Tél : 01 41 60 72 72

 

Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales De Seine-Saint-Denis

 

 

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