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David et Jonathas, opera de Marc-Antoine Charpentier, direction musicale Sébastien Daucé, mise en scène Jean Bellorini, au Théâtre des Champs-Elysées

Mar 25, 2024 | Commentaires fermés sur David et Jonathas, opera de Marc-Antoine Charpentier, direction musicale Sébastien Daucé, mise en scène Jean Bellorini, au Théâtre des Champs-Elysées

 

© Philippe Delval

ff article de Denis Sanglard

 Commande du collège Louis-Legrand et non de la cour, crée en 1688 quelques mois après la mort de Lully, créateur de l’opéra français, David et Jonathas étonne par son expressivité, son épure relative, et son renoncement aux effets de machines. Marc-Antoine Charpentier fait montre ici de son originalité, se démarquant résolument de Lully et signe là son chef d’œuvre. A l’origine couplé et joué en alternance avec une tragédie en latin écrite par le père Chamillard, Saül, aujourd’hui disparue, reste le livret en français du père et prédicateur François de Paule Bretonneau. C’est une oeuvre hybride à vocation pédagogique contribuant à l’éducation jésuitique, à la formation des élèves issue de l’aristocratie scolarisés dans l’établissement. Histoire biblique traversée de passions humaines, interrogation sur le pouvoir aussi, c’est tout cela à la fois. Cette production du Théâtre de Caen ose le pari d’ajouter à l’original, suppléant à la tragédie manquante, une partition contemporaine. Le metteur en scène Jean Bellorini et l’auteur Wilfried N’Sondé font ainsi du premier roi d’Israël la figure centrale de l’opéra de Marc-Charpentier. Saül devenu amnésique, fou de douleur de la perte de son fils Jonathas. Une nouvelle trame dramatique qui inscrit cet opéra, par son sujet et cet éclairage singulier, dans une continuité créative mais également dans une contemporanéité volontaire. Sont dénoncés la violence meurtrière et les ravages de la guerre. Mais la parole ici est donnée aux « oubliés », toutes les victimes innocentes des conflits, que représente une nouvelle figure inédite introduite dans ce palimpseste. Une infirmière (Hélène Patarot) qui dans cet hôpital où est enfermé Saül qu’elle soigne avec dévotion, prolongement de la pythonisse, dont la parole lucide s’oppose à la folie et le cauchemar qui hante le chant de Saül. La mise en scène de Jean Bellorini est exemplaire de sobriété qui ne s’oppose pas à l’œuvre mais l’accompagne au plus près. Nulle scorie, rien qui ne fasse obstacle au chant et à son expressivité, rien qui encombre les chœurs ou les chanteurs. Sur ce plateau nu, en pente, les passions humaines et les conflits sont exposées sans fard dans un dénuement scénographique absolu. Pas de machine sinon cette chambre d’hôpital austère où repose Saül, dénuée de tout, qui monte vers les cintres libérant selon les scènes le plateau. Un dépouillement d’une intelligence dramaturgique qui n’enlève rien à la théâtralité de l’œuvre mais au contraire l’oblige et l’accentue davantage. Ici la parole fait écho au chant, les deux avançant de pair dans un parfait équilibre. Surtout le cauchemar de Saül imprime la scénographie, où la réalité semble parfois troublée, les masques grotesques portés par le chœur n’étant que la vison d’un homme en son délire.

Dans la fosse Sébastien Daucé est à son affaire qui maîtrise sur le bout de sa baguette Charpentier et dirige l’ensemble Correspondance avec une sureté sans faille, déployant toute la richesse expressive de cette partition d’une subtilité dramatique et psychologique qui jamais ne fait défaut. Le chœur dont les interventions sont nombreuses participent bellement à cette intensité dramatique et tragique. Même si Saül est l’objet de toute l’attention de Jean Bellorini nous aurions tord d’oublier les deux qui donnent à cet opéra son nom. Un plateau vocal d’exception même si on peut regretter que ni David ni Jonathas ne soient desvoix de haute-contre comme originellement qui pouvaient apporter à cette amitié particulière un certain trouble homoérotique. Pour mémoire l’œuvre fut dédicacée à Philippe d’Orléans. Indépendamment de leur talent on peine un peu à croire à l’ambiguïté de leur relation qui manque de sensualité, résumé à une simple camaraderie dans cette mise en scène et qui ne justifie de fait nullement, voire désamorce paradoxalement, l’histoire d’un amour absolu et déchirant par la douleur de la perte exprimée par le chant. Petr Nekoranec (David) est un ténor dont la voix assurée (et les aigus sans défaut) est aussi expressive que son jeu. Gwendoline Blondeel (Jonathas), voix cristalline et d’une grande pureté, émeut certes mais ne convainc pas dans ce personnage travesti. Cependant le duo, vocalement, est parfaitement accordé pour apporter l’émotion attendue et nichée dans leur partition. Jean-Christophe Lanièce est un roi Saül crédible dans ce cauchemar sans fin. La mezzo-soprano Lucile Richardot est une pythonisse éblouissante, Etienne Bazola (Baryton) le traitre idoine et Alex Rosen (basse) un roi Achis d’une grande magnanimité.

 

© Philippe Delval

 

David et Jonathas, opéra de Marc-Antoine Charpentier

Direction musicale : Sébastien Daucé

Mise en scène, scénographie et lumières : Jean Bellorini

Livret théâtral : Wilfried N’sondé

Co-scénographie : Véronique Chazal

Costumes : Fanny Brouste

Maquillage, masques, perruques et coiffures : Cécile Kretschmar

Son et vidéo : Léo Rossi-Roth

Avec : Petr Nekoranec, Gwendoline Blondeel, Jean-Christophe Lanièce, Lucile Richardot, Etienne Bazola, Alex Rosen, Hélène Patarot (comédienne)

Et l’ensemble Correspondance

 

18 et 19 mars 2024 à 19h30

 

Théâtre des Champs-Elysées

15 avenue Montaigne

75008 Paris

Réservations : www.theatredeschampselysées.fr

 

 

 

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