À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Das weinen (das wähnen), mise en scène de Christoph Marthaler, d’après l’œuvre de Dieter Roth, aux Amandiers de Nanterre / Festival d’automne à Paris

Das weinen (das wähnen), mise en scène de Christoph Marthaler, d’après l’œuvre de Dieter Roth, aux Amandiers de Nanterre / Festival d’automne à Paris

Oct 14, 2021 | Commentaires fermés sur Das weinen (das wähnen), mise en scène de Christoph Marthaler, d’après l’œuvre de Dieter Roth, aux Amandiers de Nanterre / Festival d’automne à Paris

 

© Das Weinen

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

De l’artiste suisse Dieter Roth on connaît sans doute davantage les sculptures biodégradables et odoriférantes à partir de fromages ou de chocolat, voire de sucre. Moins sans doute ses écrits. Autre suisse tout aussi singulier (et là, c’est un euphémisme) Christoph Marthaler qui jusqu’ici, de-ci de-là avait distillé dans quelques-unes de ses créations quelques traces sibyllines de cet auteur, avec la même appréhension de l’absurde et du vide, du non-sens de nos vies minuscules et périssables. Antidote à la morosité ambiante ou effet secondaire de cette écriture surréaliste fiévreuse matinée de dadaïsme sévère et chronique, Christoph Marthaler ne voit pas d’autre remède que d’ouvrir une pharmacie. Et dans ce décor clean, aseptisé, hyper réaliste, il se passe de drôles de choses. Les pharmaciennes, blouse blanche et coiffure sévère de rigueur, marmoréennes, impavides, évoluent en un étrange ballet, réglé comme un coucou suisse (évidemment). Chantonnent en chœur du Mozart, particulièrement le Lacrimosa, allez savoir pourquoi. Une histoire de conjonctivite probablement… Et vous récitent du Dieter Roth comme on lit une ordonnance, avec sérieux et professionnalisme. Et quels textes ! Ni queue-ni tête, du non-sens absolu où semble ne compter que la logique jusque l’absurde, et l’allitération jusque la folie… (mention spéciale pour les sous-titres au traducteur, chapeau !).  Étranges dialogues, parfois de sourds, qui n’est pas sans rappeler Lewis Caroll. On ne s’étonne plus de rien à vrai dire, ni de cette fontaine à eau réfractaire qui prend la tangente, ni de cette balance qui s’affole, de ces médicaments qui se rebiffent et des posologies comminatoires longues comme un jour sans pain, des plombs qui sautent et des vidéos qui s’effacent. Encore moins de cet étrange et unique client, déplacé comme un mannequin, un simple accessoire que l’on finit par ranger, débitant lui aussi une unique phrase, répétée comme un automate à la mécanique qui bégaie. Et c’est bien là le génie de Christoph Marthaler, d’enrayer tout à coup, de façon parfaitement et consciemment incongrue, la mécanique toute horlogère de cette création, grippée de fait par les textes implosifs de Dieter Roth. Et dans cet univers aseptisé et bientôt contaminé par la langue désarticulée, déglinguée de l’auteur surgit soudain comme un hoquet, sans qu’on y prenne garde, et par le délitement de ce bel ordonnancement, une humanité matinée de mélancolie douce-amère qu’on n’attendait certes pas. Là, même les fontaines à eau peuvent tomber amoureuses d’un pèse-personne, c’est dire.

 

© Das Weinen

 

Das weinen (das wähnen), de Christoph Marthaler

D’après l’œuvre de Dieter Roth

Avec Liliana Benini, Magne Havard Brekke, Olivia Grigolli, Elisa Plüss, Nikola Weisse, Susanne-Marie Wrage

Scénographie Duri Bischoff

Costumes Sara Kittelman

Son Thomas Weger

Lumière Christophe Kunz

Dramaturgie Malte Ubenauf

Direction musicale Bendix Dethleffsen

 

Du 6 au 10 octobre 2021

 

Théâtre des Amandiers de Nanterre

Au Théâtre éphémère

7 avenue Pablo-Picasso

92000 Nanterre

Réservations 01 46 14 70 00

www.nanterre-amandier.com

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed