ƒ article de Denis Sanglard
L’Orestie, guerre fratricide grecque, annonciatrice du chaos. Mais du texte d’Eschyle il ne reste rien, quelques fragments épars, une vague référence bien vite évacuée, deux marionnettes en chaussettes et basta. Un court instant hilarant, le seul de cette création. Les Ricci/Forte font table rase. L’Orestie est un point de départ, un point d’orgue et d’interrogation sur le vaste chaos contemporain. Evacuée la référence grecque, le plateau devient un champ de bataille, une zone de destruction et d’utopie tout à la fois. Nous sommes nos propres Erinyes, nous sommes Oreste aussi. Seulement cette création s’étiole, bouffée par le trop plein et le vide. Trop plein de propositions, pauvreté des images proposées. Les Ricci/Forte font se télescoper musiques, textes et performances. Accumulent les strates, les propositions, jetées à la pelle sur le plateau, qui ne font, au final, que révéler un manque, une vacuité.
On s’agite beaucoup, beaucoup, c’est vrai. Les comédiens, performers très physiques, ne déméritent pas dans ce chaos organisé. Ils sont le centre comme toujours du théâtre des Ricci/Forte et tiennent tout ça à bout de bras. Mais il y a cette impression fugace d’agitation plus que de propositions vraiment concrètes. Rien qui ne décolle vraiment. La performance colle au texte, un texte dense aux multiples références. Mais trop sans doute. Un effet de redondance qui appuie, alourdit et nuit à l’ensemble. Et puis un sujet tant rebattu aujourd’hui, la déréliction de nos sociétés, mérite sans doute désormais un traitement moins convenu. Il y a un effet malheureux de déjà vu sinon d’emprunt, habituel recyclage des Ricci/Forte, qui lasse. Car c’est cela aussi qui surprend, les images qui se veulent sans doute choc font ici seulement toc. Il ne suffit pas de faire le singe, nu, habillé d’un casque sous le vrombissement infernal d’hélicoptères pour dénoncer la guerre comme un retour à l’animalité. Le jardinage d’enfants clonés, chacun dans leur pot, participe de cette illustration volontaire et forcenée d’un discours qui finit par lasser. Pourtant on sait combien les Ricci/Forte peuvent embraser un plateau sur une simple proposition, une image. Là, quelque chose participe de l’essoufflement. A l’image de ce baraquement planté au centre du plateau, au fur et à mesure désossé jusqu’à la carcasse, le temps de la représentation, L’Orestie des Ricci/Forte accuse la maigreur de ses propositions. De Darling (Hypothèses pour une Orestie) ne reste au final que l’hypothèse d’une création.
Darling (Hypothèses pour une Orestie)
Mise en scène Stefano Ricci
Dramaturgie Ricci/Forte
Chorégraphie Marco Angelilli
Décors Francesco Ghisu
Costumes Gianluca Falaschi
Son Thomas Giorgi
Direction technique Davide Confetto
Assistanat à la mise en scène Liliana Laera
Avec Anna Gualdo, Giuseppe Sartori, Piersten Leirom, Gabriel Da CostaLe 24 mars à 20h30
Le 25 mars à 19h00Nouveau Théâtre de Montreuil, CDN
10, place Jean Jaurès – 93100 MontreuilRéservations Nouveau théâtre de Montreuil : 01 48 70 48 90
www.nouveau-theatre-montreuil.com
Réservations MC93 : 01 41 60 72 72
www.MC93.com
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