À l'affiche, Critiques // « Dans les veines ralenties » d’Elsa Granat, mise en scène de Aurélie Van Den Daele au Théâtre de l’Aquarium

« Dans les veines ralenties » d’Elsa Granat, mise en scène de Aurélie Van Den Daele au Théâtre de l’Aquarium

Nov 03, 2014 | Commentaires fermés sur « Dans les veines ralenties » d’Elsa Granat, mise en scène de Aurélie Van Den Daele au Théâtre de l’Aquarium

article d’Anna Grahm

DANS_LES_VEINES-_CAPTURE_2-_c_Marjolaine_Moulin_-png© Marjolaine Moulin

Les derniers instants d’Agnès. Racontés ou plutôt filmés sous toutes les coutures. Il y a de ces heures qui durent, où chaque minute s’éternise. La proximité de la mort étire le temps. Sur le décor tout blanc, placardée comme une affiche au-dessus du lit, la souffrance du visage émacié d’Agnès en gros plan. Glissent dans la lumière blanche, les sœurs, la garde malade et le médecin. Chacun vient observer l’agonie, avant de s’éclipser derrière le voilage transparent, chacun est renvoyé à ses attentes, à ce qu’il voudrait faire qu’il ne fait pas. Bien étrange ballet, autour de cette figure mourante, que celui de ces sœurs, qui se relaient silencieuses et froides à des kilomètres de toute émotion. Bien clinique l’œil de cette micro caméra qui danse autour de cette malade qui continue de « faire, d’agir et de travailler » jusqu’à son dernier souffle.

Ingmar Bergman, à la sortie de son film Cris et chuchotements, disait que c’était une tentative de cerner l’image de sa mère. Aurélie Van Den Daele tente de cerner ces liens passés, présents et à venir, questionne le rapport à la vie, à la mort, la façon de faire face, d’accompagner, et de réinventer ce qui s’annonce, qui menace de s’éteindre.

Si le talent des comédiennes est indéniable – notamment dans cette confrontation entre les deux sœurs qui restent – la pièce, elle, lentement nous asphyxie, nous étouffe, nous absente. L’incommunicabilité de ces femmes, leur incapacité à s’aider, ce blocage des sens, leur ambivalence, nous tient à distance, nous repousse inexorablement. Cette maîtrise des corps, cette exhibition de la douleur tue, nous met en réelle souffrance. Mais sans doute est-ce ici le but recherché. Ce théâtre de femmes nous montre un monde névrotique où le masculin est évacué, où le vivant est fragmenté, où la sensualité est cuirassée. Un portrait de la femme cadenassée. Où seule la servante porte sur son sein encore un brin de la tendresse perdue. Il y a dans ce spectacle, une révolte sourde qui se révèle peu à peu – de façon évidente dans la chambre noire baignée de lumière rouge – il y a un écrasement de l’être, un musellement, une discipline effrayante, il y a cette immobilité qui pèse sur tous les personnages et nous fait cruellement violence.

« Dans les veines ralenties » est le premier volet du diptyque de cette jeune metteure en scène qui s’est déjà emparée de l’écriture de la dramaturge britannique Caryl Churchill, qui dénonçait en son temps le maigre pouvoir des femmes à l’ère de Thatcher. Ce dernier spectacle, très cérébral, semble s’inscrire dans le prolongement de cette réflexion : la dénonciation d’un individualisme dur et mortifère dont souffre la condition humaine.

Dans les veines ralenties
Texte d’Elsa Granat d’après Cris et Chuchotements d’Ingmar Berman
Mise en scène Aurélie Van Den Daele
Photo Marjolaine Moulin
Avec Aurore Erguy, Julie Le Lagadec, Marie Quiquempois, Antoine Sastre, Aurélie Toucas

Du 1 au 30 novembre 2014
Mercredi, vendredi à 20h30, samedi 15 novembre à 20h30
Dimanche à 16 h

Diptyque samedi 1er novembre à 20h30 et les dimanches à 16h

Théâtre de l’Aquarium
Route du Champs de manœuvre – 75012 paris

Réservations 01 43 74 72 74
www.theatredelaquarium.com

 

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