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Dans le ventre de la ballerine, de Jean-Benoît Mollet, Cie Anomalie &…, Le Monfort

Juin 10, 2017 | Commentaires fermés sur Dans le ventre de la ballerine, de Jean-Benoît Mollet, Cie Anomalie &…, Le Monfort

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© Christophe Raynaud De Lage

article de Corinne François-Denève

Que ceux qui s’étaient imaginé plonger avec délices Dans le ventre de la ballerine, spectateurs-Jonas d’un nouveau genre, pensant explorer les intérieurs de la créature, voire de la création, en soient bien prévenus : le voyage se fera attendre, tournera vite court, ou ne sera pas ce qu’on imaginait. Pour tout dire, cette descente dans les entrailles de la danseuse part sur une fausse route.

On ne sait pourquoi en effet le programme de Dans le ventre de la ballerine annonce « une sorte d’étude sur le vivant, qui prend son origine dans l’observation à la fois concrète et fantasmée du corps humain », ni pourquoi les auteurs citent Deleuze à l’envi. En guise de mise en bouche, le spectacle adopte une piste méta-théâtrale, ce qui n’est en soi pas une tare. Le public assiste ainsi à la fin supposée d’un spectacle, et à un triomphe auquel participe le directeur du Monfort en personne. Le début par la fin, donc. Pourquoi pas ? Mais cela dure, dure. Commence ensuite un faux bord de scène où « rien ne se passe comme prévu », où, en tout cas, les protagonistes n’ont rien à dire, ou que des banalités. Le repas s’éternise, le convive peine à digérer. Le public, s’il participe de relativement bonne grâce à ces premières tentatives d’immersion dilatoires, est au mieux désorienté ; il se lasse en tout cas assez vite de ces innombrables répétitions, de ces longueurs dont on peine à connaître l’objet. L’ensemble laisse un amer arrière-goût d’entre-soi (artistes jouant aux artistes). Cela se veut sans doute « décalé », poétique et cocasse. C’est surtout très ennuyeux, parfois gênant. Tel comédien évoque ses érections tandis qu’un autre mange une banane. Tel autre parle seins et fesses, tandis qu’une actrice énumère une liste de fruits – pastèques, figues, pamplemousses. Ce n’est même pas un « outrage au public », c’est une sorte de prise d’otage(s), dont, encore une fois, on ne comprend ni le but, ni l’intention, ni le propos.

Apéritif toujours. Il s’agit désormais de choisir quelqu’un dans le public qui accompagnera cette exploration du « ventre de la ballerine » que l’on attend depuis si longtemps (on objectera sans doute que cette attente déceptive fait partie du projet – mais ne le met-elle pas en péril ?) Et là encore, cela dure, dure. Mais on y est (enfin) entré, dans le ventre de la ballerine. Et ces premiers instants intestins sont longs, longs, maladroits au possible. Des corps-objets se fracassent contre le sol, dans une obscurité qui empêche presque de les voir. « Oh, ce sont des anticorps ! » « Oui, ils sont là pour me défendre ». Ah.

Défaut d’écriture ? Abondance de fausses bonnes idées ? Travail encore « in progress » ? Cette errance liminaire et ce gros souci de rythme sont d’autant plus regrettables que la dernière partie du spectacle ruisselle de beauté et d’images étonnantes : une ballerine cellophane se balançant sur un trapèze, un homme jonglant avec des chaises. Quant au dernier tableau, il est fabuleux de poésie hivernale et neigeuse : ce n’est plus, ce n’est toujours pas le ventre de la ballerine, mais cela n’a, en l’occurrence, plus aucune importance, tant on est enfin content, ou contenté.

 

Dans le ventre de la ballerine

Mise en scène Jean-Benoît Mollet

Dramaturgie Delphine Lanson
Collaboration à l’écriture et à la mise en scène Cille Lansade
Avec Jörg Müller, Sarah Cosset, Chiharu Mamiya, Fabrice Scott, Laurent Pareti, Olivier Gauducheau, Delphine Lanson Et Jean-Benoit Mollet
Création sonore et live Thomas Turine
Scénographie Goury
Chorégraphie Chiharu Mamiya
Création lumière Romain de Lagarde
Construction Olivier Gauducheau et Daniel Doumergue
Costumes Rachèle Raoult
Régie générale Nicolas Le Clézio
Administration Damien Malet
Production, diffusion Florence Bourgeon

du 6 au 17 juin (du mardi au samedi à 20 h 30)
Grande salle
durée 1 h 20

Le Monfort
106 rue Brancion
75015 Paris

Location : 01 56 08 33 88

www.lemonfort.fr

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