article de Dominika Waszkiewicz

Au clair de la lune…
Entre le portrait de Sarah Bernhardt par Nadar et le neuvième tableau du Voyage dans la Lune de Méliès, trône sur une petite console un nez postiche. À côté, des feuillets, une plume. Plus loin, un phonogramme, une lunette astronomique. Le décor, on ne peut plus illustratif, est posé : il s’agit de brosser la célébrissime pièce de Rostand au travers du filtre 1900. Car Cyrano c’est Rostand. Et Benoit Solès est Cyrano. Moustache fine et pantalon à pinces, ce dandy fin-de-siècle au regard électrique et à l’énergie folle se donne littéralement en spectacle. Et les cinq actes filent, non sans caresser, souvent, les écueils tant redoutés: cabotinage, vaine gesticulation, frontalité surlignée, prosodie malmenée. Malgré une mise en scène d’une platitude à pleurer (ou à rire), quelque chose du plaisir reste en flottement. Passé l’agacement des criantes incohérences (comme de faire jouer le cinquième acte par Madame Casile), on se laisse prendre au jeu et on s’attendrit, un peu. Curieux pouvoir que cette pièce, bien bringuebalante pourtant, exerce sur nos sensibilités ! Ainsi, malgré la rudesse de certaines grosses ficelles, scéniques ou textuelles, la magie opère et même si cette création ne nous mène pas sur la lune, elle nous fait admirer, pendant deux joyeuses heures, un petit bout de la canopée. Alors oui, Roxane (la très plastique Clara Huet) ne révèle pas une once de sensualité, Christian (le piètre Vladimir Perrin) n’est pas que sot, Lignières (Michel Baladi) est grotesque et le jeu des inséparables (Pierre-Thomas Jourdan et Julien Noïn) interprétant marquis et mitrons est rarement précis. Mais la juste amitié de Le Bret (Émeric Marchand) nous touche tandis que l’on se souvient, au travers de l’élégance engoncée de de Guiche (Emmanuel Dechartre), du cher accent d’Andrzej Seweryn dans l’inoubliable Cyrano de Podalydès. Mise en scène inutile et qui veut plaire, cette pièce a du moins le mérite de nous rafraîchir la mémoire.

Cyrano de Bergerac
Texte Edmond Rostand
Adaptation, mise en scène et costumes Henri Lazarini
Assistant metteur en scène Florent Martin
Scénographie Pierre Gilles assisté de Juliette Autin
Création musicale Michel Vinogradoff
Lumière Xavier Lazarini
Masque SébastienBickert
Habilleur Louis Antoine Hernandez
Avec Benoit Solès, Emmanuel Dechartre, Clara Huet, Vladimir Perrin, Michel Melki, Ḗmeric Marchand,Lydia Nicaudou Christine Corteggiano, Anne-Sophie Liban, Michel Baladi, Pierre-Thomas Jourdan, Julien Noïn,Jean-Jacques Cordival, Geneviève Casile sociétaire honoraire de la Comédie-Française

Du 21mai au 4 juillet 2015
mardi, vendredi et samedi 20h 30, mercredi et jeudi à 19h, matinée samedi à 16h

Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier – 75014 Paris
Métro Porte de Vanves, bus58et95, tramway T3Didot, vélib face au théâtre, autolib à 100m, stationnement facile
réservation 01 45 45 49 77
emailcontact@theatre14.fr

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