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Cuerpos Celestes, conception Laida Azkona-Goñi et Txalo Toloza Fernández, au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt / Chantiers d’Europe

Juin 18, 2025 | Commentaires fermés sur Cuerpos Celestes, conception Laida Azkona-Goñi et Txalo Toloza Fernández, au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt / Chantiers d’Europe

ƒƒarticle de Denis Sanglard

Destination Mars. Les ressources de notre planète bleue, notamment les minéraux rares, composants de nos portables ou panneaux solaires, ne sont pas inépuisables. La tentation est donc grande de regarder ailleurs, là où promesse est faite de trouver le graal. L’espace devient désormais un enjeu économique qui depuis l’abandon du monopole d’Etat tombe dans les mains avisées et rapaces de milliardaires, d’entreprises privées aux appétits aiguisés. L’objectif Mars, après celui de la Lune, on le sait n’est plus un objet littéraire de science-fiction, laquelle peut inspirer la science, mais celui d’Elon Musk, entre-autre, tout entier tendu vers une possible colonisation de la planète rouge. Une utopie exigeant une recherche technologique et scientifique pointue pour un résultat encore aléatoire et une foule de questions législatives sur lesquelles se penchent déjà nombre de lobbystes. Qui peut ainsi décider si une planète est vide et se l’accaparer ? D’une utopie à une dystopie la différence tient à peu de chose. La question en effet touche autant au politique, qu’à l’économie et au philosophique. Devant ce constat alarmant et une prémonition de prédation certaine, source de conflits probables, Laida Azkona-Goñi et Txalo Toloza Fernández ont enquêté pour comprendre les multiples enjeux et les problèmes liés à cette exploitation future des ressources minières sur d’autres planètes. Et le résultat de tout ça est là, surprenant, fort savant, troublant dans son propos sans défaut, et diablement poétique dans sa forme. Pendulant savamment et finesse entre science et fiction avec un art du bricolage où avec trois fois rien, papier d’aluminium et quelques projecteurs, ils vous embarquent au sein de notre galaxie, vers l’infini même et au-delà. Partant toujours de faits, produit d’une enquête rigoureuse autant sur l’Histoire de la conquête spatiale que des dernières analyses et progrès scientifiques, réussites et échecs, ils extrapolent, projettent, rêvent, imaginant ce que peut être la suite de ce qui aujourd’hui n’est que probabilité. Mais c’est à rebours de tout catastrophisme qu’ils procèdent, imaginant une colonie heureuse, bien que vouée à disparaître parce que là-aussi les matériaux extraits s’épuisent. Ainsi inventent-ils Valentina Kuznetsova, scientifique, astro-géologue, en mission sur Mars, en hommage à Valentina Vladimirovna Terechkova, première femme de l’histoire à avoir effectué un voyage dans l’espace en solitaire (1963). Un faux documentaire, réalisé en temps réel, résumant le fruit de leurs recherches et de leurs questions pertinentes. C’est à la fois fort savant, sans jamais de pédanterie, passionnant par ce que nous y apprenons, et ludique. Mais mine de rien, ce qui se dit là, les enjeux évoqués, dessine néanmoins l’inquiétude d’un avenir et de son écologie déjà hypothéqué par un présent gangrené par l’ultralibéralisme et les dérégulations. Avoir les yeux dans les étoiles ne participe plus désormais du champs scientifique ou poétique mais bien économique, supplantant désormais le politique. Une nouvelle ère s’ouvre mais « (…) selon la façon que nous agencerons l’avenir, cette ère sera celle de la prospérité ou de la misère. » José Ignacio Castro (analyste à l’institut espagnol d’études stratégiques).