Critiques // Critique ・ « Le canard sauvage » de Henrik Ibsen à la Colline

Critique ・ « Le canard sauvage » de Henrik Ibsen à la Colline

Jan 14, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Le canard sauvage » de Henrik Ibsen à la Colline

Critique Dashiell Donello

affiche canard

Si vous retirez le mensonge de la vie de personnes ordinaires, vous leur retirez en même temps le bonheurHenrik Ibsen (1828-1906)

Tout est dit ou presque dans cette phrase. Le non-dit, l’aveuglement, l’illusion d’une vie vaille que vaille, ses secrets ; toute cette négation illusoire serait restée encore longtemps en place, si la vérité n’était arrivée pour la lise du silence et remettre en question un bonheur d’apparence.

Le canard sauvage d’Ibsen raconte le « mensonge vital » de deux familles. Les Werle dans l’aisance bourgeoise des faux-semblants, et les Ekdal dans l’inconfort et le déni de vérité. Hjalmar Ekdal est photographe et clame, à qui veut l’entendre, qu’il a trouvé l’invention du siècle. Dans l’atelier-appartement d’Hjalmar le père Ekdal passe ses journées avec sa petite fille Hedvig dans le grenier de ses fantasmes où un canard sauvage symbolise la déchéance du vieillard trahi par son ancien associé Werle le père. Gina, la femme d’Hjalmar a aussi ses secrets, elle a été gouvernante et l’amante de Werle le père. Gregers Werle le fils après un long exil est revenu dans la maison familiale pour sortir du mensonge les deux familles. Ce qui va entraîner le drame et la désillusion.

La mise en scène de Stéphane Braunschweig n’est malheureusement pas à la hauteur du grand dramaturge qu’est Ibsen. On se demande ce que veut dire cette « visioconférence » entre le père et le fils Werle. Nous montrer l’écrasante présence d’un père qui représente tout ce que déteste le fils ? Merci mais nous avions compris sans cette démonstration. On sait en effet que l’auteur norvégien était loin des positions naturalistes, mais plutôt attiré par le psychisme de l’individu en société. On ne peux se contenter de cet artifice peu convainquant. Car, Le canard sauvage tient plutôt de l’illusionnisme du 19e siècle qu’a combattu Ibsen. La scénographie contemporaine que propose Stéphane Braunschweig manque de crasse ; tout est trop propre, aseptisé chez les Ekdal pour que cela soit crédible, seul le lointain où se trouve le grenier derrière les sapins, nous met dans l’imaginaire de la pièce. Le décor qui se balance confirme la fascination du metteur en scène pour les gadgets. Braunschweig a-t-il peur de s’éloigner de ses repères esthétiques familiers ? Ce qui glisse sur le plateau ce n’est pas la pièce, mais la compensation peu imaginative de la machinerie.

Est-ce tout cela qui semble, comme notre canard sauvage, plomber les ailes des comédiens ? Leur jeu, sauf pour la merveilleuse Suzanne Aubert (Hedvig), est juste mais sans passion, pourtant Le canard sauvage est un texte passionnel. La pièce d’Ibsen est complexe nous le savons, elle ne peut se résoudre dans la facilité des moyens. C’est dans le courage simple de l’imagination que l’on doit s’inspirer ; or l’imagination et la simplicité manquent cruellement dans ce canard sauvage.

Le canard sauvage
De : Henrik Ibsen
Mise en scène et scénographie : Stéphane Braunschweig
Avec : Suzanne Aubert, Christophe Brault, Rodolphe Congé, Claude Duparfait, Luce Mouchel, Charlie Nelson, Thierry Paret, Chloé Réjon et la participation de Jean-Marie Winling

Création à La Colline
Grand Théâtre
du 10 janvier 2014 au 15 février 2014
Durée 2h30 environ
Du mercredi au samedi à 20h30,
Le mardi à 19h30 et le dimanche 15h30

La Colline – théâtre national
15, rue Malte Brun
75980 Paris Cedex 20
M° Gambetta
Réservations
01 44 62 52 52
www.colline.fr

 

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