ƒƒ Critique de Denis Sanglard
Une vison cinématographique et littéraire. Andrei et Nina sont en route vers la Sibérie qu’ils n’atteindront sans doute jamais. Confinés dans l’espace de leur voiture c’est un voyage intérieur qui ne tarde pas à révéler quelque chose d’eux-mêmes et les conduit tout droit vers la folie. Autour c’est la Russie des années 80, celle d’un empire communiste qui ne tardera pas à s’effondrer. Tout un monde en agitation, fébrile et perdu et qui d’une manière ou d’une autre interagit avec ce couple en partance. C’est un surprenant voyage à travers un paysage mental, une Russie cartographiée de façon décalée. Une vision de prime abord déconnectée de la réalité mais pas si sûr. C’est la Russie d’aujourd’hui qui est scrutée au regard de celle d’hier.
Le chorégraphe Marcos Morau est d’une inventivité étonnante qui mélange danse, théâtre, cinéma, musique. Ce sont les fils d’une trame étroitement serrée qui emprunte à chacun pour au final offrir une création hybride. C’est d’une grande énergie. C’est dynamique. La danse emprunte autant au vocabulaire classique qu’au sport – Russie oblige – mais cela est joyeusement déstructuré, dynamité. Un montage cinématographique, un tempo de cinéma muet parfois, des dialogues en voix off, des fragments de textes en insert à l’image, une musique plus-russe-que-russe-tu-meurs additionnée des compositions sonores de North Howling, donne à ce spectacle un climat singulier entre humour désespéré et inquiétante étrangeté, parfois même anxiogène. Seulement voilà, sans rien enlever à la qualité de cette création, qui n’en manque pas, parfois la juxtaposition des références finit par agacer. On ne comprend pas toujours les citations que nous avons peine à relier avec ce qui se déroule sur le plateau. Multiplier ainsi et mettre en parallèle les actions, les récits sur des modes narratifs différents brouille le regard et l’écoute. Cela crée un décalage qui déstabilise quelque peu l’ensemble et les spectateurs. Volonté de Marcos Moreau peut-être ? Et dont nous serions les dupes ? L’illustration d’un chaos intérieur, des contradictions qui menacent l’équilibre de notre couple en partance pour la Sibérie ? Ou celle d’une Russie en proie aux prémisses de son effondrement ? Le chroniqueur avoue sa perplexité qui balance entre enthousiasme et agacement. Néanmoins il reste un spectacle riche, sans doute trop, aux images saisissantes et dont la créativité, l’inventivité généreuse ne peut laisser indifférent…
Russia
Mise en scène Marcos Morau
Chorégraphie Marcos Morau en collaboration avec les danseurs
Dramaturgie et textes Carmina S. Belda, Pablo Gisbert, El Conde de Torrefiel
Scénographie La Veronal
Lumières Eric Planas
Musique Piotr Ilitch Tchaïkoski, Igor Stravinski et musique originale de North Howling
Photographie Edu Perez, Humberto Pich, Quevieneelcoco
Costumes Mariana Rocha
Illustration José Manuel Hortelano PiAvec Umma Asensio, Xavier Auquer/ Manuel Rodriguez, Tanya Beyeler, Christina Facco, Christina Goni, Anna Hierro, Lorena Nogal, Sau-Ching Wong
Du 15 au 18 avril 2014, 19h
Théâtre National de Chaillot
-Grand Foyer-
1, place du Trocadéro
75116 Paris
Réservations 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr
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